lundi 14 juin 2021

Simon Denizart - Elli Miller Maboungou - Nomad (Laborie Jazz/Socadisc/Idol)

 Simon Denizart - Elli Miller Maboungou - Nomad (Laborie Jazz/Socadisc/Idol)

Simon Denizart dut traverser de difficiles épreuves et parcourir de nombreux territoires (le Texas, la Californie, le Canada, la France et le Maroc) pour enfin donner vie à Nomad, un nouvel opus que le pianiste originaire de Créteil et installé à Montréal publiait le 23 Avril dernier sur Laborie Jazz

Façonné en duo avec la solide et précieuse complicité du percussionniste canadien Elli Miller Maboungou, le disque - d'une rare intensité - célèbre une rencontre insolite entre deux instruments historiquement, géographiquement et culturellement éloignés l'un de l'autre: le piano et la calebasse. Il est également chargé en émotions et riche de souvenirs accumulés pendant une période de 14 mois, au cours de laquelle le compositeur a pu gouter aux saveurs d'une vie nomade, nourrie de voyages et de rencontres.

Affichant des sonorités captivantes empreintes de jazz, de pop, de hip-hop, de musique classique, de world et d'électro, Nomad alterne les ambiances épiques aux arrangements hypnotiques ("Oldfield 2.0") et les moments aériens aux orchestrations plus intimistes ("Zoha"). A l'image des sublimes et énergiques "Last Night In Houston", "Lost In Chegaga" et "Square Viger"groove et poésie se marient à merveille, il déploie une vaste palette sonore pleine de surprises et de réminiscences musicales. Orient et Occident, Nord et Sud s'enlacent et se complètent en totale harmonie, invitant à la réflexion ("Nomad"), à la divagation ("Manon") et même à la danse...

Un petit clin d'œil m'a particulièrement interpellé à l'écoute de "Manon". En effet, peu après sa troisième minute, il m'a semblé reconnaitre l'air d'un titre - à priori - aux antipodes du jazz de Simon, une ritournelle extraite du morceau de Bouga composé en 2000 par Akhenaton, "Belsunce Breakdown", chanson faisant partie de la B.O. du film Comme Un Aimant...



vendredi 11 juin 2021

Thierry Peala & Verioca Lherm - A Tania Maria Journey (Edyson Production/Inoui Distribution)

Thierry Peala & Verioca Lherm - A Tania Maria Journey (Edyson Production/Inoui Distribution)

Débordant d'authenticité et de virtuosité dans son interprétation d'un répertoire incontournable de la musique brésilienne, l'exceptionnel duo français mené par Verioca Lherm et Thierry Peala, nous présente son premier opus baptisé A Tania Maria Journey. Célébrant les 20 ans de leur rencontre à l'occasion, justement, d'un concert que la diva nordestine donnait à l'Olympia en Février 2001, le tandem a choisi 13 compositions parmi les plus emblématiques du catalogue de la pianiste, les arrangeant avec brio pour deux voix, une guitare et de discrètes percussions... Un dépouillement acoustique touchant, chargé de vibrations latines accrocheuses et pleines de chaleur.

Accompagnés sur 6 morceaux par l'excellent percussionniste paoliste Edmundo Carneiro, Verioca et Thierry sont parvenus à nous restituer tout le génie de Tania Maria, après s'être imprégnés de son énergie communicative et de sa poésie tropicale ponctuée de notes bleues.

Mariant subtilement depuis le début des années 70 le jazz, la pop et le blues au choro, à la bossa et à la samba, Tania a largement su s'imposer dans le paysage de la MPB (musica popular brasileira) marquant notamment les esprit avec une technique de scat éblouissante et une manière singulière de siffler sur ses mélodies délicieusement chaloupées. 

Il fallait donc bien des musiciens hors paire pour rendre hommage comme il se doit à une grande dame de la chanson. Il fallait également un talent certain pour transposer sa musique "pianistique" à la guitare (le jeu de cordes de Verioca rappelle souvent celui de Joao Bosco) et s'exprimer avec autant d'aisance et de naturel en portugais comme en anglais...

Belle découverte!





mercredi 9 juin 2021

Mauro Gargano - Feed (Diggin Music/Absilone Socadisc)

 Mauro Gargano - Feed (Diggin Music/Absilone Socadisc)

Après Nuages paru l'an dernier, le contrebassiste italien Mauro Gargano nous revient avec Feed, un projet mené en trio avec le pianiste Alessandro Sgobbio et le batteur Christophe Marguet.

Composés entre Avril et Septembre 2020,  les 8 titres de l'album reflètent une volonté de renouvellement qu'a ressenti l'artiste pendant cette triste période, marquée par une "socialité plus que limitée". Fasciné par la combinaison piano, contrebasse et batterie des immenses Bill Evans, Oscar Peterson, Keith Jarrett, Brad Meldhau ou encore Enrico Pieranunzi, Mauro se l'est appropriée tout en souhaitant s'écarter des sentiers battus; un peu comme l'ont fait The Bad Plus, The Necks, Vijay Iyer et Pat Metheny...

En effet, voulant souligner l'actualité sociale brulante ("Ilva's Dilemma") - où une véritable crise psychologique due, entre autre, aux confinements successifs pointe le bout de son nez ("Full Brain", "Keep Distance") - le jazzman a étendu son propos musical en l'ouvrant à d'autres influences. La musique classique moderne (de Sergueï Prokofiev) et le rock progressif ("Look Beyond The Window") flirtent ainsi avec les folklores de sa région natale du sud de l'Italie, le free d'Ornette Coleman ("Lost Wishes"), les improvisations savantes ("The Secret Garden") et les métriques impaires ("Full Brain").

Un disque d'une grande richesse, qui se dévoile un peu plus à chaque écoute...



lundi 10 mai 2021

Ismail Sentissi - Genoma (Jazz Family)

Ismail Sentissi - Genoma (Jazz Family)

Genoma est le premier opus du pianiste trentenaire Ismail Sentissi. Accompagné par ses complices Cedrick Bec à la batterie et Maurizio Congiu à la contrebasse, l'artiste autodidacte natif de Casablanca nous plonge dans un univers musical inspiré et touchant, où jazz contemporain, sono mondiale, polyrythmie et couleurs modales marocaines s'entremêlent dans une succession de 12 compositions hypnotiques, tantôt explosives et joyeuses ("Vent Sourd", "Silence d'Oumma", "Genoma" ou "Cafouillages"), tantôt plus douces et immersives ("Flocon", "In Other Wise", "Aniss" ou encore "Absence").  

Son enfance passée dans un Maroc paisible et ensoleillé ("Aït Tamejjout"), ses apprentissages du piano, de la guitare puis de l'écriture, son goût pour la mélodie et sa découverte des incontournables EST, Bojan Z, Hadouk, Ali Farka Toure et Fela Kuti, ont suscité chez le jazzman un besoin viscéral d'élaborer une musique plurielle et colorée, un répertoire intimiste et gorgé de vibrations positives, invitant à l'évasion et au dépaysement total.  

Les ambiances qu'il tisse majestueusement avec son trio rappellent celles que le contrebassiste israélien Avishai Cohen nous offrait il y a quelques années, dans des albums lumineux comme At Home (2005), Gently Disturbed (2008) et bien sûr Seven Seas (2011). Une influence notable et appréciable ! 

Belle découverte.



jeudi 6 mai 2021

Laura Prince - Peace Of Mine (Autoproduction/L'Autre Distribution)

Laura Prince - Peace Of Mine (Autoproduction/L'Autre Distribution)

Elaborant un délicieux cocktail de saveurs métisses et soulful aux tendres sonorités jazz et afro, c'est dans la langue de Norah Jones et d'Alicia Keys que la chanteuse française aux racines togolaises, Laura Prince, a choisi de se dévoiler. Elle s'exprime dans premier opus élégant et touchant, baptisé Peace Of Mine

Dirigé par le pianiste/compositeur martiniquais Grégory Privat et co-écrit avec David Sonder, le recueil marie sur fond de sono mondiale, la sophistication et les harmonies du jazz à des vibrations urbaines imprégnées de quotidien. Ponctué de mélodies touchantes aux notes intimistes ("Save Me", "In Your Eyes") et irradié d'une douce lumière caribéennePeace Of Mine nous donne définitivement envie d'ailleurs ("Amazonia"). Se frottant au blues ("So Unconditional") et au spoken word ("Musical Inspiration"), l'envoutante diva à la voix de velours manie avec sensualité un vaste registre d'émotions. 

Alignant une section rythmique prestigieuse formée par Tilo Bertholo à la batterie, Zacharie Abraham à la contrebasse et Inor Sotolongo aux percussions, Laura Prince et Grégory Privat se sont également adjoints les services d'un quatuor à cordes bouleversant ("Peace Of Mind"), dans lequel on retrouve le violoncelliste Guillaume Latil ainsi que les violonistes Gabrielle Lafait, Johan Renard et Jules Dussap ("Scared Of Dark").

Un disque poignant ! 





vendredi 30 avril 2021

Blue Lab Beats - We Will Rise EP (Blue Note Records)

Blue Lab Beats - We Will Rise EP (Blue Note Records)


En 2017, le beatmaker NK-OK et le multi-instrumentiste Mr DM (guitare, basse et claviers) publiaient Xover, un cocktail jazztronica jubilatoire et détonant, mêlant avec brio leurs influences jazz, hip-hop, afro, soul, funk et R&B à une electronica redoutablement énergique et dansante. Le jeune tandem londonien baptisé Blue Lab Beats, imposait alors durablement ses vibrations boom-bap et ses sonorités jazz-funk sur une scène britannique en pleine effervescence.

En 2020, ils revisitaient le classique "Montara" de Bobby Hutcherson sur la compilation Blue Note Re:Imagined, marquant ainsi le début d'une nouvelle aventure au sein d'un label prestigieux. C'est en effet via Blue Note que le duo nous revient avec We Will Rise, nouvel EP annoncé par un premier extrait chaud-bouillant intitulé "Blow You Away (Delilah)", où s'illustre au chant la star montante de l'afrobeat, l'anglo-ghanéen Ghetto Boy. Le riff de guitare entêtant et terriblement accrocheur du single nous rappelle celui de l'inoubliable "Pineapple", morceau hypnotique de leur précédent LP qui avait contribué, il y a 4 ans, au succès retentissant du groupe. On se souvient d'ailleurs de l'excellente prestation de ses invités: Moses Boyd à la batterie et le collectif Nèrija aux cuivres. 

Dans ce très ensoleillé "Blow You Away (Delilah)", la contribution de Ghetto Boy est également décisive et s'inscrit dans le processus créatif de Blue Lab Beats qui, malgré les confinements successifs, a su s'échapper du marasme ambient et nous emmener sous des cieux plus propices au lâché prise. 

Bien qu'un peu moins festives, les 4 autres compositions de l'effort nous invitent elles aussi à nous évader et à nous déhancher langoureusement sur des grooves fédérateurs, nourris de délicieuses nuances funky et jazzy.

Conviant à leurs côtés le guitariste Alex Blake (WizKid) sur le très chill "Nights In Havana", le saxophoniste Braxton Cook sur l'addictif "We Will Rise", le rappeur Kojey Radical et le chanteur DTsoul (au talkbox) sur le sensuel et west coast "Tempting (Dance2)", les deux anglais réaffirment l'étendue de leur palette musicale qui tire sa richesse aussi bien des beats de J Dilla et Madlib, que du génie de Fela Kuti ou Herbie Hancock

"Imaginé en réponse aux événements actuels, ce projet qui vient du cœur veut offrir un peu de réconfort et d’espoir à ceux qui sont englués dans le racisme et les préjugés. Il a été boosté quand la dynamique autour du mouvement Black Lives Matter a repris, avec toutes ces images de violence en mode repeat. NK-OK et Mr DM ont immédiatement cherché à produire une sorte de couverture de survie, de baume guérisseur".



mercredi 21 avril 2021

Daniel Gassin Crossover Band - Change Of Heart (Jazz Family)

Daniel Gassin Crossover Band - Change Of Heart (Jazz Family)

Pour être tout à fait sincère, ce qui m'a d'emblée interpelé en écoutant pour la première fois Change Of Heart, le dernier opus du pianiste Daniel Gassin, c'est la sublime voix de la jeune diva Alita Moses. Une invitée de marque considérée, à juste titre, comme une étoile montante de la scène new-yorkaise. Puissant, cristallin et gorgé de soul, son chant se déploie sur des compositions captivantes où swing et groove se côtoient tendrement, grâce à l'interplay sans faille d'un quartet équilibré et mesuré. En effet, au fil de l'écoute, s'imposent le raffinement d'un jeu de piano sensuel aux harmonies jazz modernes, l'élégance électrisante d'une guitare inspirée et la précision d'une section rythmique redoutable. 

Fondé en 2017 par le musicien franco-australien, le Crossover Band est formé par l'excellent guitariste (et multi-instrumentiste) de Boston Josiah Woodson, le contrebassiste franco-colombien Fabricio Nicolas-Garcia et le batteur occitan Damien Françon. « Traversé par différents courants du jazz », il brille par la fluidité et la richesse de ses interprétations emplies d'émotion et ponctuées de notes urbaines résolument contemporaines

Installé à Paris depuis 2013, notre ancien avocat au barreau de Melbourne nous livre 6 compositions accrocheuses et une reprise édifiante de l'incontournable "Naïma", ballade signée par John Coltrane, que Daniel sublime et restitue comme une douce épopée immersive aux sonorités néo soul. « À la croisée des styles et des chemins », son répertoire - nourri par d'élégantes mélodies et dégageant une énergie fédératrice ("Refugee Of You") - invite l'auditeur à emprunter les sentiers, souvent sinueux, d'une découverte intérieure. Un voyage musical initiatique et contemplatif aux ambiances entêtantes ("Crossover") « qui raconte comment les épreuves de la vie nous façonnent et bien souvent, nous élèvent ».