jeudi 6 mai 2021

Laura Prince - Peace Of Mine (Autoproduction/L'Autre Distribution)

Laura Prince - Peace Of Mine (Autoproduction/L'Autre Distribution)

Elaborant un délicieux cocktail de saveurs métisses et soulful aux tendres sonorités jazz et afro, c'est dans la langue de Norah Jones et d'Alicia Keys que la chanteuse française aux racines togolaises, Laura Prince, a choisi de se dévoiler. Elle s'exprime dans premier opus élégant et touchant, baptisé Peace Of Mine

Dirigé par le pianiste/compositeur martiniquais Grégory Privat et co-écrit avec David Sonder, le recueil marie sur fond de sono mondiale, la sophistication et les harmonies du jazz à des vibrations urbaines imprégnées de quotidien. Ponctué de mélodies touchantes aux notes intimistes ("Save Me", "In Your Eyes") et irradié d'une douce lumière caribéennePeace Of Mine nous donne définitivement envie d'ailleurs ("Amazonia"). Se frottant au blues ("So Unconditional") et au spoken word ("Musical Inspiration"), l'envoutante diva à la voix de velours manie avec sensualité un vaste registre d'émotions. 

Alignant une section rythmique prestigieuse formée par Tilo Bertholo à la batterie, Zacharie Abraham à la contrebasse et Inor Sotolongo aux percussions, Laura Prince et Grégory Privat se sont également adjoints les services d'un quatuor à cordes bouleversant ("Peace Of Mind"), dans lequel on retrouve le violoncelliste Guillaume Latil ainsi que les violonistes Gabrielle Lafait, Johan Renard et Jules Dussap ("Scared Of Dark").

Un disque poignant ! 





vendredi 30 avril 2021

Blue Lab Beats - We Will Rise EP (Blue Note Records)

Blue Lab Beats - We Will Rise EP (Blue Note Records)


En 2017, le beatmaker NK-OK et le multi-instrumentiste Mr DM (guitare, basse et claviers) publiaient Xover, un cocktail jazztronica jubilatoire et détonant, mêlant avec brio leurs influences jazz, hip-hop, afro, soul, funk et R&B à une electronica redoutablement énergique et dansante. Le jeune tandem londonien baptisé Blue Lab Beats, imposait alors durablement ses vibrations boom-bap et ses sonorités jazz-funk sur une scène britannique en pleine effervescence.

En 2020, ils revisitaient le classique "Montara" de Bobby Hutcherson sur la compilation Blue Note Re:Imagined, marquant ainsi le début d'une nouvelle aventure au sein d'un label prestigieux. C'est en effet via Blue Note que le duo nous revient avec We Will Rise, nouvel EP annoncé par un premier extrait chaud-bouillant intitulé "Blow You Away (Delilah)", où s'illustre au chant la star montante de l'afrobeat, l'anglo-ghanéen Ghetto Boy. Le riff de guitare entêtant et terriblement accrocheur du single nous rappelle celui de l'inoubliable "Pineapple", morceau hypnotique de leur précédent LP qui avait contribué, il y a 4 ans, au succès retentissant du groupe. On se souvient d'ailleurs de l'excellente prestation de ses invités: Moses Boyd à la batterie et le collectif Nèrija aux cuivres. 

Dans ce très ensoleillé "Blow You Away (Delilah)", la contribution de Ghetto Boy est également décisive et s'inscrit dans le processus créatif de Blue Lab Beats qui, malgré les confinements successifs, a su s'échapper du marasme ambient et nous emmener sous des cieux plus propices au lâché prise. 

Bien qu'un peu moins festives, les 4 autres compositions de l'effort nous invitent elles aussi à nous évader et à nous déhancher langoureusement sur des grooves fédérateurs, nourris de délicieuses nuances funky et jazzy.

Conviant à leurs côtés le guitariste Alex Blake (WizKid) sur le très chill "Nights In Havana", le saxophoniste Braxton Cook sur l'addictif "We Will Rise", le rappeur Kojey Radical et le chanteur DTsoul (au talkbox) sur le sensuel et west coast "Tempting (Dance2)", les deux anglais réaffirment l'étendue de leur palette musicale qui tire sa richesse aussi bien des beats de J Dilla et Madlib, que du génie de Fela Kuti ou Herbie Hancock

"Imaginé en réponse aux événements actuels, ce projet qui vient du cœur veut offrir un peu de réconfort et d’espoir à ceux qui sont englués dans le racisme et les préjugés. Il a été boosté quand la dynamique autour du mouvement Black Lives Matter a repris, avec toutes ces images de violence en mode repeat. NK-OK et Mr DM ont immédiatement cherché à produire une sorte de couverture de survie, de baume guérisseur".



mercredi 21 avril 2021

Daniel Gassin Crossover Band - Change Of Heart (Jazz Family)

Daniel Gassin Crossover Band - Change Of Heart (Jazz Family)

Pour être tout à fait sincère, ce qui m'a d'emblée interpelé en écoutant pour la première fois Change Of Heart, le dernier opus du pianiste Daniel Gassin, c'est la sublime voix de la jeune diva Alita Moses. Une invitée de marque considérée, à juste titre, comme une étoile montante de la scène new-yorkaise. Puissant, cristallin et gorgé de soul, son chant se déploie sur des compositions captivantes où swing et groove se côtoient tendrement, grâce à l'interplay sans faille d'un quartet équilibré et mesuré. En effet, au fil de l'écoute, s'imposent le raffinement d'un jeu de piano sensuel aux harmonies jazz modernes, l'élégance électrisante d'une guitare inspirée et la précision d'une section rythmique redoutable. 

Fondé en 2017 par le musicien franco-australien, le Crossover Band est formé par l'excellent guitariste (et multi-instrumentiste) de Boston Josiah Woodson, le contrebassiste franco-colombien Fabricio Nicolas-Garcia et le batteur occitan Damien Françon. « Traversé par différents courants du jazz », il brille par la fluidité et la richesse de ses interprétations emplies d'émotion et ponctuées de notes urbaines résolument contemporaines

Installé à Paris depuis 2013, notre ancien avocat au barreau de Melbourne nous livre 6 compositions accrocheuses et une reprise édifiante de l'incontournable "Naïma", ballade signée par John Coltrane, que Daniel sublime et restitue comme une douce épopée immersive aux sonorités néo soul. « À la croisée des styles et des chemins », son répertoire - nourri par d'élégantes mélodies et dégageant une énergie fédératrice ("Refugee Of You") - invite l'auditeur à emprunter les sentiers, souvent sinueux, d'une découverte intérieure. Un voyage musical initiatique et contemplatif aux ambiances entêtantes ("Crossover") « qui raconte comment les épreuves de la vie nous façonnent et bien souvent, nous élèvent ».




lundi 12 avril 2021

Floating Points - Promises (Luaka Bop)

 Floating Points - Promises (Luaka Bop)

Avant d'être un opus bouleversant, hypnotique et captivant, Promises est une affiche au sommet des plus prestigieuses, un disque qui réunit deux pointures absolues de la musique, dont un monstre sacré, une véritable légende vivante. 

Le musicien mancunien Sam Shepherd alias Floating Points, acteur emblématique d'une scène électronique anglaise expérimentale et inventive, a en effet convié le saxophoniste octogénaire Pharoah Sanders, figure tutélaire du Black Arts Movement et pilier incontournable du jazz, qu'Ornette Coleman lui-même décrivait comme étant "probablement le meilleur joueur de saxophone ténor du monde".

Ayant étudié le piano à la School of Music de Chetham et obtenu un doctorat en neuroscience et en épigénétique à l'University College de Londres, l'artiste surdoué nous laisse, ici, brillamment entrevoir ses influences majeures; les univers de Claude Debussy, Olivier Messiaen et Bill Evans se révèlent alors à travers une œuvre magistrale et immersive, où s'illustre également le célèbre London Symphony Orchestra, qui a su, en une seule prise, enregistrer des arrangements de cordes envoutants. La captation a eu lieu au mythique studio AIR de George Martin, à l’été 2020. 

Imaginée en 9 mouvements, cette suite repose sur un subtil équilibre entre composition et improvisation; une seule piste de 46 minutes où musique classique, jazz et electronica s'entremêlent et interagissent avec douceur et sensualité. La collaboration de l'américain Sanders (qui a brillé auprès de Sun Ra, John Coltrane, Leon Thomas, Don Cherry, Alice Coltrane ou encore David Murray...) et de Floating Points (The XX...) sonne comme une évidence, elle frappe par son élégance, sa tendresse et son éloquence. 

Habitué à faire rugir son instrument dans des répertoires marqués par le free jazz et l'ethno-jazz, Pharoah s'exprime dans Promises avec une retenue inhabituelle, comme s'il était apaisé et que ses émotions n'avaient plus besoin d'être déclamées haut et fort. Des interventions mesurées et poétiques qui semblent échapper aux contraintes du temps et de l'espace.

Pour Sam Shepherd, le silence est d'or. La beauté de ce bien singulier projet naît de ses motifs répétitifs enivrants, qui ne cessent de catalyser notre attention. Ces derniers flottent en boucle sur des nébuleuses de cordes lancinantes, où vibrent et gravitent avec intensité et délicatesse des accords d'orgue obsédants et des notes de claviers émouvantes. 

Fascinant!



dimanche 4 avril 2021

João Selva - Navegar (Underdog Records)

 João Selva - Navegar (Underdog Records)


Le musicien carioca Joâo Selva nous présente via Underdog Records son second opus baptisé Navegar. Installé à Lyon depuis une dizaine d’années, ce natif d'Ipanema livre un album gorgé de sonorités pop aux colorations tropicalistes, un recueil de 8 titres ensoleillés animés par un groove fédérateur, sensuel et dansant. Parcouru de lignes de basse assassines, de cocottes aux effets wah wah et d'accords de rhodes hypnotiques aux saveurs vintage, Navegar semble surgir du Rio des années 70, époque où la MPB était largement empreinte de black music nord-américaine et où triomphait l’incontournable Tim Maia, considéré comme le père de la soul brésilienne.

Au delà des ambiances funk (“Devagar”) et hip-hop (“Cadê Você”) héritées du Barry White brésiliencréolité et rythmes traditionnels afro-brésiliens sont également mis à l’honneur ici. Ils s'expriment ça et là, au détour de compositions largement métissées. “Navegar”, le single de l’album au titre éponyme en est d’ailleurs un bel exemple, lui qui revisite avec brio l'afoxé, ce folklore nordestin emblématique de Bahia.

Rien d'étonnant de voir qu’aux manettes de ce petit objet musical aux vibrations latines positives et festives, œuvre l'alchimiste français Patchworks, producteur pouvant se targuer de remplir un CV assez impressionnant (Da Break, Kumbia Boruka, John Milk...). 

On notera aussi la présence de la pétillante Flavia Coelho dans le très old schoolMeu Mano”, tube en puissance à la chaleur cuivrée qui nous fait songer à Sandra de Sá, du temps sa meilleure période au début des années 80...





mardi 30 mars 2021

Folamour - The Journey (Single) (Columbia)

Folamour - The Journey (Single) (Columbia)

 Devenu l’un des djs les plus en vue de la scène house, le lyonnais Folamour - ex-resident du Rex - s’est forgé une solide réputation dans les clubs et festivals internationaux, grâce à ses sélections soulful et ses productions musclées alimentées par un groove hypnotique

L’immersif “Just Want Happiness” paru il y a peu, s’efforçait déjà de lutter contre la morosité ambiante; «cette tristesse contemporaine» qui accable les citadins notamment ceux des grandes mégalopoles. Il nous convie à « se libérer du poids des villes pour revenir à davantage de simplicité ». Un retour aux sources très bien illustré dans le clip dirigé par Vincent Desrousseaux, qui offre de sublimes images de nature. Ces dernières suscitent de furieuses envies de plein air et de feux de camp, de montagne ou de campagne.

Avec “The Journey”, second extrait de son prochain opus au titre éponyme, prévu pour Juin prochain (un album aux accents autobiographiques qui s’annonce plus personnel que jamais), Folamour accélère la cadence. Écrit en shona, l’une des 16 langues officielles du Zimbabwe d’où son invité, le chanteur Zeke Manyika est originaire, le morceau tranche avec le précédent single. Déroulant de chaleureuses sonorités afro sur une rythmique deep-house ensoleillée, il invite à se sortir de notre torpeur hivernale et à laisser derrière nous ces derniers mois tragiques, pour onduler sur sa ligne de basse affriolante et funky, à l’instar de la danseuse Eva N’diaye, creusant l’écran dans le clip dirigé cette fois-ci par Théo Vincent.

Impatient d’écouter la suite...!





dimanche 28 mars 2021

L’Impératrice - Tako Tsubo (Microqlima)

L’Impératrice - Tako Tsubo (Microqlima)


L’incontournable formation chic et glamour L’Impératrice nous revient avec son second opus baptisé Tako Tsubo, nom du « syndrome des cœurs brisés ». Cette cardiomyopathie liée au stress est décrite pour la première fois au Japon, « se manifeste par une déformation du cœur dû à un trop-plein d’émotion », le ton est donné!

L´album, mixé par le producteur américain Neal Pogue (Outkast, Stevie Wonder, Tyler, The Creator, Kaytranada, Earth, Wind and Fire), semble, plus clairement qu’auparavant, laisser apparaitre les références 80´s et 90´s du groupe. L’excellent “Tant d’amour perdu”, titre de Michel Berger datant de 1981, en est un bel exemple, lui qui clôt merveilleusement l’effort sur une note mélancolique et nostalgique. On se prend même à imaginer France Gall au micro, devant la section rythmique de l’épopée Starmania à l’époque du G-Funk.

Présent dans le paysage musical français depuis sa création en 2012, le groupe rencontre véritablement le succès à partir de 2016, remportant le prix Deezer Adami et participant à d’illustres festivals hexagonaux comme le Printemps de Bourges, Calvi On The Rocks et We Love Green. Une série de remixes orchestrés par Parcels, Poolside, Lazywax, Folamour, Patchworks ou encore Session Victim leur ouvre les portes de la scène club et quelques collaborations édifiantes s’ajoutent à leur palette sonore déjà bien riche (Isaac Delusion, Jamo, Lomepal). L’Imperatrice devient alors emblématique d’une french pop de haute couture, au même titre que Sebastien TellierPolo &Pan, Bengale ou Flavien Berger. 

Après Matahari paru en 2018, les six complices (Charles de Boisseguin et Hagni Gwon aux claviers, Flore Benguigui au chant, David Gaugué à la basse, Tom Daveau à la batterie et Achille Trocellier à la guitare électrique) nous livrent un recueil de 13 chansons pop aux saveurs discoïdes sensuelles et pleines d’émotions, où se marient tendrement vibrations funk (“Fou”) et R&B (“L’équilibriste”), incursions electro (“Tombé pour la scène”) et hip-hop West-coast (“Peur des filles”). Les ambiances nocturnes de leur précédent disque laissent place à davantage de couleurs et de lumière; de nouvelles thématiques (réseaux sociaux, féminisme...), plus ancrées dans le réel et l’actualité, sont également abordées avec une liberté inédite, qui s’affiche notamment dans la structure des morceaux.