mercredi 24 mars 2021

Stefano di Battista - Morricone Stories (Warner Music)

Stefano di Battista - Morricone Stories (Warner Music)


Après les projets de Ferruccio Spinetti et Giovanni Ceccarelli en Septembre dernier, puis plus récemment du Blazin’ Quartet de Srdjan Ivanovic, c’est au tour de l’immense saxophoniste romain Stefano Di Battista, personnalité de premier plan de la scène jazz européenne, de rendre hommage à son compatriote, le célèbre Ennio Morricone, disparu à Rome le 06 Juillet 2020.

Dans Morricone Stories, Stefano aborde, avec le génie et l’élégance qu’on lui connaît, des thèmes plus ou moins connus du compositeur italien, les transformant en standards de jazz raffinés et surprenants, à l’instar de sa reprise de  “Costa avete fatto a Solange ?” de 1972 (titre principal du giallo oublié du réalisateur Massimo Dallamano), qui ouvre le disque magistralement en alignant un swing des plus prenants. La mélodie absolument captivante d’Ennio est ici sublimée par des arrangements subtiles, où s’expriment l’interprétation et la complicité sans faille d’un line up de haut vol. 

En effet, aux côtés du saxophoniste - qui passe en fonction des humeurs de l’alto au soprano - brillent les harmonies somptueuses et délicates du pianiste Fred Nardin. A la rythmique, le monstre sacré André Ceccarelli est épaulé par le contrebassiste napolitain Daniele Sorrentino, un tandem de choc qui œuvre avec brio, tout en finesse et en retenue.

Des ballades à la ritournelle pop intemporelle comme l’inoubliable “Gabriel’s Oboe” - extraite du film The Mission de Roland Joffé (Palme d’or en 1986) - débordent de tendresse et de sérénité, nous faisant presque oublier le jeu véloce et fougueux auquel le soliste nous avait si souvent habitué. Cependant dans “Peur sur la ville” thème principal du thriller de Verneuil (1975), Di Battista retrouve sa verve, avec un lyrisme déchirant qui s’étire sur les motifs obsédants de la section rythmique également repris par Fred. On se retrouve alors à traquer Minos auprès de Belmondo, sur cet air angoissant si familier et complètement immersif!

À découvrir !




mardi 23 mars 2021

Surnatural Orchestra - Tall Man Was Here

Surnatural Orchestra - Tall Man Was Here 


Le Collectif Surnatural présentait le 20 Novembre dernier le nouvel opus du Surnatural Orchestra, recueil décapant et jubilatoire de 10 compositions déjantées et festives, croisant le jazz (“Veracruz”) à l’opéra, les folklores (“Tarantella ally-pally”) à la musique contemporaine et à bien d’autres choses. Enregistré du 21 au 23 Janvier 2020, le disque est tiré d’un projet scénique baptisé Tall Man; un spectacle narratif mêlant musique orchestrale, chant, danse, théâtre et scénographie, où le public est invité à s’extirper du marasme ambiant, qui qui s’éternise tragiquement. Cet exutoire exubérant et fédérateur, garde toute sa superbe sur le très musclé Tall Man Was Here, un album plein de panache, offert par une formation XXL; une fanfare de 18 musiciens aux cuivres débordants et aux rythmiques entêtantes. 

À noter que Tall Man Was Here est servi dans un très bel écrin en bois, imitant les vieux tableaux noirs de notre enfance, avec son livret de 40 pages et une craie blanche... 



Pierrejean Gaucher - Zappe Satie (Musiclip/Absilone/Socadisc)

Pierrejean Gaucher - Zappe Satie (Musiclip/Absilone/Socadisc)


Le guitariste originaire de la région parisienne Pierrejean Gaucher nous présentait, il y a peu, son dernier opus baptisé Zappe Satie, un disque barré où il reprend le concept d’un précédent projet mené en 1998. Le musicien/pédagogue avait alors choisi de célébrer l’héritage d’une de ses influences majeures, l’inventif et excentrique Frank Zappa (Zappe Zappa), alchimiste de la six cordes qui est parvenu à se créer un univers musical unique et fantasque, mêlant musique contemporaine, jazz, rock et pop.

Erik Satie, qui semble avoir été une source d’inspiration pour l’américain - sans qu’il ne nous ait laissé un indice probant à ce sujet - trône lui aussi parmi les figures tutélaires de la musique du XX° siècle. Tous deux autodidactes et anticonformistes, les deux compositeurs ont pu développer quelques astuces créatives communes (déconstruction, juxtapositions, chocs harmoniques entre autres intentions de rompre avec les codes en vigueur à leurs époques respectives), même si leurs œuvres demeurent formellement différentes. 

Pierrejean a souhaité bâtir une passerelle entre les univers de ces deux monstres sacrés, utilisant les sonorités fusion et jazz-rock, les notes ou les ponctuations rythmiques de l’un, pour évoluer sur les merveilles mélodiques et les motifs hypnotiques de l’autre...

Épaulé par Thibault Gomez au piano/Fender Rhodes, Alexandre Perrot à la contrebasse, Ariel Tessier à la batterie, Quentin Ghomari aux trompettes, Robinson Khoury au trombone, Julien Soro et Paul Vergier aux saxophones, le guitariste - passé maître dans l’art de la citation - nous embarque dans une aventure déconcertante où “le matériau de Satie n’est qu’un point de départ” et la folie de Zappa qu’un moyen. Zappe Satie n’est pas un disque de reprises, ni un patchwork, mais bel et bien un album de compositions originales inspirées, singulières, judicieuses et non dénuées d’humour.







 

dimanche 21 mars 2021

Stéphanie Lemoine - Love Leaves Traces (Mix Up Jazz/Inouïe Distribution)

Stéphanie Lemoine - Love Leaves Traces (Mix Up Jazz/Inouïe Distribution)


Dès l’ouverture de son sublime Love Leaves Traces, la diva Stéphanie Lemoine donne le ton avec un jazz décomplexé, gorgé de soul et de notes pop. Ce second opus sonne comme une évidence et sa voix puissante, à la fois chaude et immersive, fait des miracles aussi bien lorsqu’elle s’exprime en anglais qu’en français. Auteure et compositrice, elle s’est bâti un répertoire sur mesure où les sonorités folk organiques et intimistes d’un titre vibrant comme “Morning” flirtent avec celles, plus aériennes et mélancoliques, de l’intemporelle ballade de Richard Rodgers et Lorenz Hart, “My Romance”. Ses incursions jazz/funk - dignes de celles de Jamiroquai - font des ravages, poussant l’auditeur à battre leurs cadences endiablées, à l’instar de “Sunset Town”, du poétique “Rive Sauvage” et de l’hypnotique “Somehow”, formidable machine à danser aux accents samba intenses et brûlants. Alignant 3 reprises de standards incontournables dont “Body and Soul” et “I Can’t Help It”, ainsi que 10 compositions efficaces toutes plus accrocheuses les unes que les autres, la chanteuse se devait, pour parfaire son dessein, de s’entourer d’un casting à la hauteur. Autour du quartet qu’elle forme avec Pierre-Antoine Clamadieu (piano, Rhodes), Laurent Salzard (basse) et Jeff Ludovicus (batterie), figurent ainsi des chœurs, une section de cuivres et des cordes... Bref un line-up XXL !

Belle découverte!



Edward Perraud - Hors Temps (Label bleu/L'Autre Distribution)

Edward Perraud - Hors Temps (Label bleu/L'Autre Distribution)


Le batteur et percussionniste nantais Edward Perraud nous revient avec Hors Temps, second album qu'il publie sur le Label Bleu, après l'excellent Espaces sorti en 2018. Accompagné par Bruno Angelini au piano et Arnault Cuisinier à la contrebasse, le patron de Quarkrecords et membre du trio emblématique Das Kapital, poursuit sa célébration de l’essentiel et de l’instant furtif, nous livrant un recueil de 9 compositions immersives et poétiques, au fil desquelles l’auditeur se sent perdre pied et flâne sans contrainte au gré de vibrantes nébuleuses musicales. Le jeu si singulier d’Erik Truffaz ne pouvait que sonner juste sur ces mélodies intemporelles aux tempos éthérés et  “intuitifs”, fruits d’un interplay infaillible.



jeudi 18 mars 2021

Jonathan Orland Quartet - Something Joyful (Steeple Chase/Look Out)

Jonathan Orland Quartet - Something Joyful (Steeple Chase/Look Out)


C'est un jazz classieux et efficace, débordant d'un swing fédérateur et bienveillant, que nous livrait le 15 Février dernier la nouvelle formation du musicien parisien Jonathan Orland. Son troisième opus solaire et sans fioritures se baptise Something Joyful, il succède à Forgotten Waters paru en 2017. 

Tellement bien venue en cette période morose et angoissante, la musique du saxophoniste ayant étudié à Boston et au Canada rassure, nous communiquant son énergie et ses vibrations positives. A travers 10 titres accrocheurs: 7 inédits écrits par le leader désormais installé à Montréal, 2 standards et une composition de l'incontournable Olivier Hutman, il fait briller un quartet redoutable, où l'excellent pianiste l'accompagne sur une rythmique d'esthètes, emmenée par ses complices Yoni Zelnik à la contrebasse et Ariel Tessier à la batterie. 

Un quartet au son claire et au jeu vivifiant, à l'instrumentalité chaude et entraînante, où le leader - qui s'est illustré par le passé auprès du Michel Reis Paris Quartet, de Jean-Michel Pilc et John Hollenbeck, du Sextet Gui Duvignau, de Peter Peter, d'Ibeyi, de Vincent Touchard ou encore de Xavier Thollard - a souhaité célébrer, sans trop en faire, l'héritage de ses héros, Ornette Coleman et Cannonball Adderley...



jeudi 11 mars 2021

Dimitri Naïditch trio - Ah! Vous Dirai-je...Mozart! (Dinaï Records/L'Autre Distribution)

Dimitri Naïditch trio - Ah! Vous Dirai-je...Mozart! (Dinaï Records/L'Autre Distribution)


S'étant attardé sur le répertoire de J.S. Bach dans son précédent disque Bach Up, c'est sur l'héritage légué par Wolfgang Amadeus Mozart que le pianiste ukrainien Dimitri Naïditch a choisi de s'arrêter à présent. En effet, poursuivant sa série d'enregistrements dédiés aux maîtres de la musique classique, il entreprend dans Ah! Vous Dirai-je...Mozart! de se réapproprier le catalogue du génie allemand, en lui donnant un éclairage nouveau et bien souvent inattendu. 

Ainsi, le jazz, le rhythm and Blues et la bossa nova s'invitent au gré de ré-harmonisations, de réarrangements et de transformations rythmiques, redessinant les contours de certaines pièces intemporelles, que l'on devine tout de même grâce à quelques motifs mélodiques emblématiques. "Bossanota" en est un bel exemple; imaginée d'après la Sonate pour piano en Do majeur, K545, elle se pare, dès les premières mesures, de chaleureux atours cariocas, que la chanteuse Cynthia Abraham vient renforcer en fredonnant un air chaloupé. 

Ailleurs, "la beauté absolue de certaines œuvres - comme l'"Adagio du Concerto pour Piano °23 en La majeur" - lui a imposé une certaine retenue dans son approche créative, faisant resurgir l'interprète qu'il est, amoureux de l'originale. Il est alors resté proche de la structure initiale".

Entouré de ses deux fidèles acolytes, Arthur Alard à la batterie et Gilles Naturel à la contrebasse, Dimitri s'est donc amusé à relier les époques et les genres, à faire surgir des concertos, symphonies et autres sonates, le groove, le swing et ses fameuses notes bleues si précieuses. 

Le disque est paru le 05 Mars dernier sur Dinaï Records, il est le second volume de la collection New Time Classics.