mardi 2 janvier 2018

Wes Montgomery - In Paris : The Definitive ORTF Recording (Resonance Records/Bertus France)

Wes Montgomery - In Paris : The Definitive ORTF Recording (Resonance Records/Bertus France)


Il me tenait à cœur de commencer cette nouvelle année de chroniques musicales avec quelque chose de spécial et lorsque j'ai reçu à la mi-Décembre l'incroyable nouvelle de la sortie prochaine d'un live inédit du légendaire Wes Montgomery, j'ai immédiatement sollicité la générosité de Gilles Logan, qui bosse au marketing chez Bertus France, pour en avoir une copie... Quelques jours après je recevais le précieux In Paris : The Definitive ORTF Recording, présenté sobrement dans un format double CD deluxe, accompagné de son livret richement documenté de 32 pages. Ce dernier inclut des photos de Jean Pierre Leloir prises le soir du 27 Mars 1965 au Théâtre des Champs-Elysées (alors que le guitariste était de passage dans la capitale dans le cadre de son unique tournée européenne) accompagnées de remarquables écrits et de touchantes interviews que l'on doit, entre autres, à Zev Feldman, une des têtes pensantes du mythique label californien Resonance ou encore à Russel Malone, éminent guitariste s'étant notamment illustré auprès de Diana Krall et Harry Connick, Jr.

Sorti des archives de l'INA, où il fut précieusement conservé pendant plus d'un demi siècle, l'enregistrement du concert nous laisse (re)découvrir le touché inimitable de ce musicien hors paire sur des titres devenus de purs classiques de la guitare jazz, comme les compositions du maître lui-même, "Four on Six", "Jingles" et "Twisted Blues", ou ses interprétations magistrales des intemporels "Round Midnight" de Monk et "Impressions" de Coltrane.

Pour l'occasion, l'artiste autodidacte d'Indianapolis avait opté pour une formation familière qui jouait ensemble depuis déjà plusieurs mois. Ne voulant pas d'un all-star band tape-à-l'œil, il a préféré un groupe d'acolytes efficaces et complices... Et à l'écoute du concert, on ne peut que le remercier d'avoir imaginé cet accord parfait. Figuraient ainsi autour de lui le pianiste originaire de Memphis, Harold Mabern, seul membre du quartet encore en vie aujourd'hui, le contrebassiste basé à Philadelphie, Arthur Harper et le batteur de Kansas City, Jimmy Lovelace. Un invité de marque allait participer au casting sur 3 dates de cette tournée prestigieuse, dont celle qui nous importe, il s'agit du saxophoniste de Chicago Johnny Griffin, qui s'est par ailleurs illustré aux côtés de Thelonious Monk et Art Blakey! Ici, il apparaît dans les excellents "Full House" (autre composition marquante de Montgomery), "West Coast Blues" et dans la plus belle ballade jamais écrite, "Round Midnight", sublimée par un Wes charmeur et d'une grande classe, caressant ses cordes du bout de son pouce droit et s'amusant de sa main gauche avec ses développements en octave, si caractéristiques de sa signature rythmique et sonore.

Sans le rayonnement de l'immense impresario anglais Alan Bates, cette performance parisienne n'aurait jamais eu lieu. Wes ayant trop peur de l'avion, c'est aussi avec le soutien et la force de persuasion de son manager John Levy que la tournée put s'organiser et s'arrêter outre la Ville Lumière, à Londres, Madrid, Bruxelles, Lugano, San Remo et Rotterdam.

A travers 10 morceaux rares et intenses captés avec maestria, l'auditeur s'approche à pas de velours de la grâce rayonnante et du swing ravageur d'un artiste disparu trop tôt, qui a su mettre en place une science du jazz à la portée de tous, restituée avec magie par un son haute définition transféré directement des bandes analogiques originales...

De l'or en barre!

jeudi 21 décembre 2017

Thiefs - Graft (La Greffe) (Jazz&People)

Thiefs - Graft (La Greffe) (Jazz&People)

Jazz&People, premier label participatif de jazz français, présente le second opus de la formation Thiefs, trio franco-américain composé du saxophoniste Christophe Panzani, du contrebassiste Keith Witty et du batteur David Frazier Jr. Ensemble ils élaborent un jazz hybride, débridé et polymorphe, empreint de hip-hop, de rock, de spoken words et d'électro.
Délivrant des textes engagés et réalistes écrits en français et en anglais, Thiefs aborde un thème brulant d'actualité, ayant marqué l'histoire familiale de chacun de ses membres, en effet avec son esthétique singulière combinant sonorités acoustiques et électroniques, il traite du déracinement, de l'identité et de l'exil.
Se sont greffés au projet une brochette d'artistes talentueux et reconnus, dont le pianiste de Seattle Aaron Parks (Joshua Redman, Ferenc Nemeth, Mike Moreno, Christian Scott, Gretchen Parlato, Kurt Rosenwinkel...), le poète et MC de Boston Mike Ladd (Saul Williams, Antipop Consortium, Terranova, Vijay Iyer, Arto Lindsay, Marc Ribot...) mais aussi le rappeur romancier franco-rwandais Gaël Faye (Mulatu Astatke, Ben l’Oncle Soul, Tumi Molekane, Guts, Patrice, Oxmo Puccino, Akua Naru, Sly Johnson, Mamani Keïta, Beat Assailant, Flavia Coelho, Christophe Maé…)...
Une bien belle aventure humaine et musicale au groove accrocheur et fédérateur !


mercredi 20 décembre 2017

Yael Angel - Bop Writer (Pannonica/Inouie Distribution)

Yael Angel - Bop Writer (Pannonica/Inouie Distribution)

L'azuréenne Yael Angel nous présente via le label Pannonica son album Bop Writer, une célébration du swing et du bebop livrée par une voix singulière à la fois grave et pétillante, parfaitement en phase avec la tradition mais sachant s'en affranchir lorsque les conventions sont un frein à l'expressivité et à la créativité. Considérée comme l'une des vocalistes incontournables des Alpes-Maritimes, la chanteuse a choisi pour ce premier projet d'habiller de paroles quelques mélodies et improvisations légendaires jusque là uniquement servies par des instrumentistes. Elle se réapproprie ainsi les thèmes intemporels de Wayne Shorter, Miles Davis, Thelonious Monk ou encore Charles Mingus, les restituant non plus comme des standards du jazz mais comme de grandes chansons chargées d'une émotion nouvelle. Brillent à ses côtés 3 musiciens d'exception aux parcours plus que respectables: le pianiste Olivier Hutman, le contrebassiste Yoni Zelnik et le batteur Tony Rabeson.

mardi 19 décembre 2017

Tarek Yamani - Peninsular (Edict Records)

Tarek Yamani - Peninsular (Edict Records)

L'oeuvre de Tarek Yamani se situe au carrefour de trois cultures à priori bien distinctes, il hérite la première de son Liban natal et adopte la seconde en s'installant à New York, quant à la troisième, il s'y familiarise en 2015, à l'occasion d'une invitation lancée par la Fondation Abu Dhabi Music and Arts, à Dubaï et Doha. Aux confluences du jazz américain de la côte Est, des sonorités moyen-orientales et Khaliji du Golf Persique, le pianiste parvient avec brio à marier plusieurs traditions musicales sophistiquées, marquées pour deux d'entre elles (le jazz et le Khaliji) par leurs racines noires-africaines. Atteignant un degré de raffinement rarement audible dans ce type de projets hybrides, Peninsular nous livre un swing accrocheur et captivant, riche de percussions exotiques somptueuses et de mélodies envoutantes, combinant habilement notes bleues, quarts de tons et saveurs latines. Tarek est ici entouré de musiciens remarquables: Elie Afif à la basse acoustique, Khaled Yassine à la batterie et le tandem Wahid Mubarak/Ahmad Abdel Rahim aux percussions. Ensemble ils "abattent les frontières, les préjugés et les clichés".

Odyssey & Oracle - Speculatio (Bongo Joe/L'Autre Distribution)

Odyssey & Oracle - Speculatio (Bongo Joe/L'Autre Distribution)

Composé de Fanny L’Héritier (chant, claviers et violoncelle), Alice Baudoin (clavecin, flûtes, claviers, voix) et Guillaume Médioni (guitares, banjo, dobro, basse, synthétiseurs, viole de gambe, chants et percussions), Odyssey & Oracle poursuit ses explorations musicales intertemporelles avec la parution de son second opus baptisé Speculatio, un recueil de 11 titres étonnants et déroutants mêlant subtilement les sonorités acoustiques d'instruments classiques voire même baroques, à celles plus électriques de claviers vintage aux grains analogiques, héritées des années 60 et 70 (Korg MS-20, Hohner Pianet N, Moog Micromoog, ...)
Elaborant des orchestrations sophistiquées hybrides, la formation cultive ouvertement une esthétique singulière, entre revival et modernité, puisant ses influences aussi bien dans le répertoire classique ancien que dans les musiques électroniques actuelles. Les textes, interprétés en français, sont à la fois surréels et utopistes, témoignant des contradictions de notre temps avec une sensualité captivante et une tendresse contagieuse.
Dans la filiation des groupes psychédéliques anglais et américains de la fin des 60's, Odyssey & Oracle nous offre une pop hypnotique, baroque et fleurie, aux accents rétro futuristes dont les arrangements rappellent l'univers d'artistes majeurs tels que Brian Wilson, Robert Wyatt, White Noise ou encore Moondog et Caetano Veloso.

lundi 18 décembre 2017

Romain Baret - Naissance de L'Horizon (Pince-Oreilles/Inouie Distribution)

Romain Baret - Naissance de L'Horizon (Pince-Oreilles/Inouie Distribution)

Le guitariste Romain Baret, membre du collectif lyonnais Pince-Oreilles, nous présente le puissant Naissance de L'Horizon, second opus de son power trio qu'il dirige depuis 2010 aux côtés du batteur Sébastien Necca et du contrebassiste Michel Molines. Affichant une fougue rock raffinée au jazz et imprégnée de pop, les 9 compositions du disque s'enchainent sans transition, mêlant des moments d'improvisations jubilatoires à une écriture précise et incisive, influencée ici par les piliers du rock progressif que sont king Crimson et Pink Floyd (on pense parfois même aux sonorités plus punchy de Led Zeppelin), puis ailleurs par les tenants d'un jazz fusion résolument contemporain, expressionniste et ouvert sur le monde, nous citerons par exemple le pianiste arménien Tigran Hamasyan, le batteur new-yorkais Dan Weiss ou encore un autre virtuose de la guitare, le parisien Marc Ducret.
Deux souffleurs inspirés, issues de la scène jazz hexagonale, viennent compléter la formation, s'y expriment ainsi l'incontournable Eric Prost au saxophone ténor et le polyvalent Florent Briqué à la trompette.


mercredi 13 décembre 2017

Manu Carré Electric 5 - Labyrinthe (ACM/Socadisc)

Manu Carré Electric 5 - Labyrinthe (ACM/Socadisc)

Le saxophoniste et enseignant au conservatoire de Menton, Manu Carré, assisté de son fidèle Electric 5, remet le couvert avec Labyrinth, nouvel opus aux influences éclectiques s'inscrivant dans la continuité du précédent Go!, paru en 2015. Entouré de ses vieux complices, le guitariste Aurélien et son grand frère Max Miguel (qui remplace sur 6 titres le batteur attitré Felix Joveniaux), le bassiste Nicolas Luchi et le claviériste Florent Verdier, le jazzman nous livre 8 compositions au groove accrocheur et aux accents funky, exprimant un jazz raffiné et généreux. Parcourus de sonorités urbaines matinées de rock, de pop, d'électro et de blues, Labyrinthe est pensé comme un véritable projet collaboratif, nous invitant à poursuivre notre incursion musicale dans l'univers jazz-fusion à tiroirs de ces 5 musiciens niçois, attachés à l'héritage des piliers du jazz électrique des années 70 et 80, nous citerons pour faire court Miles Davis, Weather Report ou encore Steps Ahead.

Le quintet ne se retranche derrière aucune étiquette, il préfère déambuler, au gré de sa créativité, dans une esthétique qui lui est propre et plurielle, riche de l'individualité et du parcours de chacun de ses membres.