vendredi 11 mars 2016

Julien Alour - Cosmic Dance (Gaya Music/Socadisc)


Julien Alour - Cosmic Dance (Gaya Music/Socadisc)

Le jazzman originaire de Quimper Julien Alour nous présente son second opus baptisé Cosmic Dance. Succédant à l'excellent Williwaw, il réunit à nouveau François Théberge au saxophone ténor, Adrien Chicot au piano, Sylvain Romano à la contrebasse et Jean-Pierre Arnaud à la batterie. Le quintet mené par le trompettiste à l'écriture subtile et inventive, nous invite à travers 9 compositions originales et un standard à pénétrer dans un jazz acoustique aux couleurs chaudes et aux mélodies rassurantes.

Si le titre éponyme semble être extrait du répertoire d'Ibrahim Maalouf avec ses reflets orientalisant si reconnaissables, "Super Lateef" et son swing hard-bop nous inonde dès les premières mesures de cette lumière radieuse et essentielle qui découle bien sûr d'une formation à l'entente parfaite, mais aussi et surtout du jeu si juste, simple et jouissif de son leader, qui alterne à l'instar de ses illustres aînés, Miles Davis et Freddie Hubbard, trompette et le bugle.

Cette impression d'être au plus près des musiciens et de vivre leur jazz incandescent en live, amplifie cet état de béatitude dans lequel Cosmic Dance nous plonge, il semble être tout entier bâti sur l'idée de partage, d'échange et d'instantanéité, abattant les frontières et les distances, se jouant de l'histoire et des styles.

"Solstice" nous berce avec ses accents latins, "Le Bal des Panthères" nous titille les gambettes avec son afro-groove hypnotique et "Black Hole in D" nous impose son tempo énergique qui déboule à plus de 100km/h manquant de nous provoquer un arrêt cardiaque… "Think Of One" est l'unique reprise de l'album, Julien l'emprunte au répertoire de Thelonious Monk et le fait sonner avec grande classe, sans fioriture ni esbroufe.

Julien Alour et ses fidèles acolytes signent une nouvelle fois un effort de grande qualité que l'on ne se lasse pas d'écouter et de réécouter, tel les grands classiques du genre !
 

jeudi 10 mars 2016

Manu Delago - The Hidden Gobelins EP (Tru Thoughts)

Manu Delago - The Hidden Gobelins EP (Tru Thoughts)


Ayant fait ses classes à l'Université Mozarteum d'Innsbruck, le percussionniste autrichien Manu Delago s'initie au jazz à Londres et se passionne pour le hang, instrument acoustique suisse dérivé du steel drum. S'en suit une multitude de projets cross-over et de collaborations prestigieuses dans des styles musicaux variés allant de la musique électronique de Bjork au jazz de Bugge Wesseltoft ou à la musique classique du London Symphony Orchestra, en passant par la néo-soul de Joss Stone.

En 2015, le producteur et compositeur publiait chez Tru Thoughts son nouvel opus Silver Kobalt. Après une tournée de près de 70 dates, il apparaîtra courant Avril dans le dernier album d'Anoushka Shankar intitulé Land Of Gold et prépare déjà une version unplugged de son dernier opus pour une série de concerts prévus en Mai.

Tournant autour des sonorités intimistes de son instrument aux résonnances métalliques délicates, Silver Kobalt est largement traversé d'autres éléments acoustiques (basson, piano et percussions) que Manu renforce par une production soignée faite de rythmiques et de textures électro nappées de couches de synthés.

Il bâtit ainsi un univers sonore hybride et expérimental des plus séduisants à l'image du titre ouvrant ce dernier EP baptisé The Hidden Gobelins. "Grey Hair Man" et sa dominante pop nous présente la chanteuse Rahel, sa voix cristalline et parfaitement maîtrisée nous hypnotise littéralement alors que l'instru aux accents organiques se déploie dans une ambiance down tempo qui s'accélère progressivement jusqu'à nous offrir un beat plus soutenu (à rapprocher des travaux de Bonobo).

La version remixée par l'allemenad Pitto de "Chemical Reaction", où apparaît encore la divine Rahel, poursuit notre lente incursion sur le dancefloor avec un rework orienté minimal techno plus smooth et cosmique que l'original, à la production plus tranchante et breakbeat.

Dans "Torsh Track" le hang est mis en avant et joue le chef d'orchestre lorsqu'il est rejoint au bout de 3 minutes par un carillon, un piano et des cordes dans une symphonie caverneuse vibrante. On y retrouve l'atmosphère lancinante des plus beaux morceaux de Cinematic Orchestra, auprès de qui il s'est d'ailleurs illustré. Pour l'anecdote, ce titre figurait en introduction du live de Silver Cobalt, où toute scène éteinte les musiciens tenaient un flambeau, faisant ainsi référence aux mineurs chercheurs d'argent qui, les mauvais jours, ramenaient un minerai y ressemblant nommé Cobalt.

Le Dj anglais Mount Bank alias Samuel Organ nous livre quant à lui sa vision de Dearest, où l'on retrouve en guest une autre chanteuse au timbre touchant, l'australienne Katie Noonan. Ici sa voix n'est plus qu'un écho lointain, chargée de réverbération elle semble se dissoudre dans un épais brouillard électronique.

Pour finir, Manu Delgado arme sa percussion mélodique de beats cogneurs et trashy, surjouant ainsi sa bipolarité… Il intègre même en clôture un accordéon faisant passer "Almost Thirty" pour la berceuse de grand-mère.

Si vous n'aviez pas encore acheté le disque, The Hidden Gobelins EP vous aidera surement à passer à la caisse!

 
 

lundi 7 mars 2016

Nisennenmondai - #N/A (On-U Sound)


Nisennenmondai - #N/A (On-U Sound)

Formé en 1999 à Tokyo, le trio post-punk féminin Nisennenmondai (qui se traduit Bug de l'An 2000) publie chez On-U Sound son nouvel opus instrumental intitulé #N/A. Adrian Sherwood, le boss du label indépendant positionné sur un secteur musical basé sur l'influence de la musique jamaïcaine dans la culture UK Garage, en assure la production lui garantissant une qualité sonore des plus affûtées. Le compositeur et remixeur touche-à-tout y accentue les petits détails extirpés de ces rythmiques métronomiques imposantes et noisy que Nisennenmondai déploie depuis ses premières heures no-wave dans des textures sonores répétitives et hypnotiques, dominées par des pulsations minimalistes aux reflets organiques. L'anglais y ajoute subtilement sa touche dub amplifié d'FX gorgés de d'échos et de réverbes qui s'expriment plus largement dans les deux bonus "A'(Live In Dub)" et "B-1' (Live In Dub)" captés à l'Unit à Tokyo.

Composé de Masako Takado à la guitare, Yuri Zaikawa à la basse et Sayaka Himeno à la batterie, le trio expérimental s'est bâti une solide réputation grâce à ses prestations scéniques époustouflantes. Avec des titres fleuves comme" #2" qui s'étend sur 16mn 20s, le groupe a le temps de planter son décor radical, dépouillé et progressif avec "ses variations monochromes" oppressantes.

Sébastien Texier Quartet – Dreamers (Cristal Records/Harmonia Mundi)


Sébastien Texier Quartet – Dreamers (Cristal Records/Harmonia Mundi)

Le saxophoniste et clarinettiste Sébastien Texier, que l'on écoutait tout récemment sur le dernier album de son père Sky Dancers, publie son nouveau disque intitulé Dreamers. Le quartet rêveur qu'il forme avec Olivier Caudron à l'orgue Hammond 83, Pierre Durand à la guitare électrique et son fidèle acolyte Guillaume Dommartin à la batterie, nous offre 8 titres originaux et inspirés, tous composés par le leader, mis à part la délicate ballade "Cape Cod" que l'on doit à l'organiste, déjà repéré aux côtés de Sarah Lazarus, Aldo Romano ou OlivierSens...

Nous emmenant au gré de ses compositions dans un jazz pluriel, il aborde tantôt les rythmes festifs de la Nouvelle Orléans avec le fringant "Let's Roll", tantôt les ambiances cinématiques vaporeuses avec l'inquiétant "Dreamers". Se dégage de cet opus largement basé sur l'osmose et la complicité,  une musique élégante empreinte de swing et d'histoire (celle du be-bop "Friendship" , du blues "Silent March" ou du free jazz "Dreaming With Ornette"), mais surtout parcourue de somptueuses mélodies aux vibrations contemporaines (à l'image du paisible "Smooth Skin") où l'imagination et l'improvisation s'expriment librement.

jeudi 3 mars 2016

Tribeqa – Experiment (Underdog Records)


TribeQa – Experiment (Underdog Records)

TribeQa nous veut du bien et il s'arme de toutes sortes d'onguents et autres mixtures pour nous le faire savoir!

Le compositeur et chanteur Josselin Quentin, également joueur de balafon a renouvelé la formule de son combo nantais aux accents world, jazz et hip-hop, il nous propose aujourd'hui son nouvel effectif réduit à un trio, dans lequel il fait appel à Jonas Le Fillastre aux platines et aux machines et Etienne Arnoux-Moreau à la guitare et au chant.

Ce troisième opus intitulé Experiment arbore ainsi de nouvelles nuances, fusionnant davantage les reflets acoustiques et électroniques tout en conservant son goût prononcé pour le groove et les sonorités afro. Garantissant un équilibre délicat entre musique traditionnelle du monde et esprit d'aventure, TribeQa allie à la perfection l'énergie du scratch et la précision des programmes aux mélodies organiques du balafon et à la chaleur intimiste de la guitare acoustique.

Si la dimension instrumentale hypnotise et captive notre attention avec ses lignes de basse langoureuses et ses rythmiques marquées et incisives, le chant et la voix n'en demeure pas moins des composantes essentielles de l'effort, avec les vibrations soul, funk et R&B de Josselin et Etienne ("Farafina", "Blow" ou "Zion") et les échantillons tribaux parfaitement découpés et sélectionnés de Jonas, qu'il balance par exemple dans l'ouverture "Never Stop" ou bien en clôture avec le très touchant "Tribute" aux couleurs brésiliennes.

Ayant dépassé la phase expérimentale, TribeQa prépare la diffusion de ses ambiances néo-soul radieuses et métissées prévue courant Avril 2016. A son écoute on pense irrémédiablement aux atmosphères d'Hocus Pocus (nantais eux aussi), de Chlorine Free ou même de la légende anglaise Omar

A découvrir d'urgence!


mercredi 2 mars 2016

ANOTR - Mighty Kingdom EP (DFTD)


ANOTR - Mighty Kingdom EP (DFTD)

Après s'être fait remarquer en 2015 avec son excellent EP Strobe, le tout jeune duo hollandais ANOTR (anciennement Piotr & Zhan) composé des producteurs Jess Van Der Heijden et Oguz Han Guney, revient chez DFTD avec Mighty Kingdom. Il s'agit de 3 nouvelles tracks puissantes alliant sonorités house et tech house, l'EP s'ouvre avec le titre éponyme qui, dès les premières mesures, impose son beat imposant et taillé pour le dancefloor, rejoint  par un accord de clavier genre rhodes plaqué façon sonar et un vocal soulful enivrant. "Nobody's Fool" est une autre bombe faite du même acabit et marquée par une ligne de basse entêtante, on y distingue des accents piano house des plus efficaces, adressant un clin d'œil vers les classiques des 90's. Le tranchant "Wrong Back" et son côté plus électro tabasse tout autant, maintenant un tempo soutenu à 125 bpm il illustre à sa manière la silhouette musclée d'ANOTR, affuté comme jamais!



mardi 1 mars 2016

Chucho Valdés - Tribute To Irakere (Jazz Village/Harmonia Mundi)


Chucho Valdés - Tribute To Irakere (Jazz Village/Harmonia Mundi)


L'adjectif "magique" s'impose ici de lui même, en effet Tribute To Irakere, dernier projet en date du musicien cubain Chucho Valdés (sacré "meilleur pianiste du monde" par son propre père Bebo, disparu il y a maintenant 3 ans) nous invite à un voyage enivrant au cœur d'une des entités musicales majeures de ces 40 dernières années à Cuba.

Le septuagénaire, entouré de ses jeunes Afrocuban Messengers (on devine en filigrane la référence à l'illustre formation d'Art Blakey), rend un hommage vibrant à son ancien combo de jazz Irakere qu'il fondait en 1973, en pleine période de Détente entre les blocs Est et Ouest. Le groupe fusionnait alors avec maestria les rythmes africains et latins au jazz. Sous les auspices caribéens, leur musique intégrait des éléments empruntés à d'autres régions du monde ainsi qu'à la grande tradition Classique. Festive et sophistiquée, elle invitait aussi bien le public à danser qu'à savourer ses sonorités révolutionnaires !

Mis en suspend par son créateur au début des années 2000 pour développer d'autres collaborations plus resserrées, l'entité devait renaître à Barcelone en 2014 lors d'un spectacle nommé Irakere 40. Revisitant ce répertoire détonnant et résolument moderne The Afrocuban Messengers y interprètent de nouvelles compositions ponctuées d'improvisations à grands frissons, sous l'œil béat d'un pianiste patriarche, directeur artistique et arrangeur bluffant de vitalité, pour qui les années n'ont en rien entamé son esprit d'aventure et son désir de partage.

Ce Tribute To Irakere, enregistré en live à Jazz In Marciac en Aout 2015 et masterisé courant septembre aux Sounid Studios de la Havane, nous en offre un avant-goût plus qu'alléchant, en partie grâce au renfort d'une section de cuivres imposante et brillante. La musique sacrée de la Santeria, ses percussions batà et ses chants Yoruba (servis par un Dreiser Durruthy Bombalé épatant), côtoie les cadences endiablées et vivifiantes de la rumba, du mambo, du tango, de la timba et même du funk… Le tout étant arrosé d'un swing ravageur façon Duke Ellington!