lundi 30 mars 2015

Bassekou Kouyaté & Ngoni Ba – Ba Power (Giltterbeat Records/Differ-Ant)


Bassekou Kouyaté & Ngoni Ba – Ba Power (Giltterbeat Records/Differ-Ant)

Considéré comme l’un des plus grands spécialistes du ngoni (luth séculaire d’Afrique de l’ouest), le malien Bassekou Kouyaté publie son nouveau Ba Power chez Glitterbeat Records. Ayant notamment collaboré avec le joueur de Kora Toumani Diabaté, le génial Damon Albarn ou encore le bluesman américain Tal Mahal (présent sur son précédent Jamo Ko), cet artiste visionnaire a su, sans le renier, s’affranchir du jeu traditionnel du ngoni en l’électrifiant et en le branchant à différents effets de distorsion ou de wah wah. Son groupe Ngoni Ba, composé de sa femme Amy Sacko au chant, de ses fils, neveux et frères, est renforcé entre autres par la présence du guitariste Samba Touré et du chanteur Adama Yalomba, ainsi que des chantres de la world fusion, Jon Hassell à la trompette et Dave Smith à la batterie. Bassekou Kouyaté nous livre son album « le plus puissant et le plus dense » où y sont véhiculées des valeurs universelles. L’énergie afro-rock que dégagent les riffs acérés et les ambiances psychédéliques de Ba Power, rendent hommage aux cultures Mandingues, Songhai et Touaregs qui vivent en harmonie depuis des temps immémoriaux, malgré les crises à répétition qui ravagent cette région depuis quelques années.

vendredi 27 mars 2015

Samba Touré - Gandadiko (Glitterbeat)


Samba Touré - Gandadiko (Glitterbeat)

Depuis ses débuts jusqu’à son fameux Albala paru en 2013 et qui recevait d’ailleurs les éloges d’une critique touchée par son engagement et séduite par sa qualité, le discret bluesman songhaï Samba Touré, disciple du grand Ali FarkaTouré (nous parlions ici de son fils Vieux Farka Touré), a toujours eu à cœur d’alerter ses concitoyens sur les problèmes qui accablent leur société gangrenée. Deux ans après la crise malienne, le pays demeure toujours instable et ce 7° opus intitulé Gandadiko indique, en affichant des rythmes, des couleurs et des humeurs moins sombres et plus positives, comment se relever sur les cendres encore fumantes d’une terre qui connut l’horreur. Un contraste que l’on apprécie en écoutant sa voix douce et apaisante, chanter sur les accents blues/rock corrosifs de sa guitare. Le guitariste devenu sage n’est plus en colère mais devient pédagogue, entouré de jeunes musiciens locaux, il compose une suite de ballades folk ancrées dans le folklore malien mais profondément chargée de modernité où se devinent les influences de John Lee Hooker, Bo Diddley, Serge Gainsbourg ou Tom Petty.

jeudi 26 mars 2015

Zomba Prison Project – I Have No Everything Here (Six Degrees/Universal)


Zomba Prison Project – I Have No Everything Here (Six Degrees/Universal)

Projet singulier que celui d’aller enregistrer un album avec une soixantaine de détenus dans la seule prison de haute sécurité du Malawi, république voisine du Mozambique située en Afrique Australe. En effet Ian Brennan, producteur du groupe Tinariwen, a offert à la population carcérale de Zomba un formidable moyen d’expression, permettant en l’espace des 10 jours d’un mois d’aout 2013, de retisser un lien social perdu entre hommes et femmes de la prison. Une certaine complicité est née, leur permettant ainsi de s’accorder sur des mélodies et des textes personnels et poignants. Agés entre 20 ans et 60 ans, pour la plupart condamnés à vie pour meurtre, vol, sorcellerie ou homosexualité, tous témoignent a capella ou accompagnés d’une guitare, d’une basse et d’une batterie rudimentaire de leur quotidien, évoquant leurs colères, leurs solitudes, leurs espoirs et leurs regrets. I Have No Everything Here rassemble 20 titres touchants et dépouillés, où les sonorités gospel, folks et blues flirtent avec les folklores locaux comme le kwela. Le Zomba Prison Project a déjà permis d’obtenir la libération de certains prisonniers condamnés arbitrairement ou même pas encore jugés, les bénéfices sont investis dans la défense de ces artistes d’un jour.

mercredi 25 mars 2015

Les Frères Smith – Free To Go (CC/CC)


Les Frères Smith – Free To Go (CC/CC)

Pilier de la scène afrofunk hexagonale, le collectif parisien les Frères Smith, qui œuvre partout en Europe depuis presque 15 ans, publie son second opus autoproduit intitulé Free To Go, il succède à Contreband Mentality, plébiscité par radio Nova, Fip et Mondomix.

Inspirés par Fela Kuti, père de l’afrobeat, Mulatu Astatké vénérable de l’éthio-jazz et James Brown roi du funk, les 12 musiciens ont insufflé dans ce disque, enregistré façon 70’s, « dans la grande tradition des albums au son chaud et massif de l’ère analogique », un vent de liberté et de vitalité bien éloigné des standards du mainstream.

On y retrouve bien sûr une impressionnante section cuivre sur-vitaminée (menée par Fab, Nico Sake, Roulio Smith et Loïc Debaert), posant les bases d’un éthio/afro-groove racé.

Les accents psychédéliques des claviers (de Manu Mani Smith) et les syncopes funky des guitares (d’Elvis Martinez et de Fabien Smith) faisant écho à la moiteur des soirées données au Shrine - temple dédié à la musique de Fela à Lagos - sont rejoints par une section rythmique des plus efficaces animée par le batteur Habibi Smith, les percussionnistes Alfwedo et Damien Smith et le bassiste Gwego Riz Smith.

Au chant, nous retrouvons le camerounais Prosper Smith (se confond avec Fela dans Free To Go) et l’envoutante Swala Emati Smith (remarquable dans Liar) invitant à leurs côtés l’immense diva malienne Mamani Keita sur Lamale, le guinéen chantre de la culture mandingue Djeli Moussa Conde dans Djilan et Milo, chanteur reggae/soul natif de la Barbade dans Trouble.

A l’instar des français d’Akalé Wubé avec leurs sonorités éthio-jazz et des canadiens du Souljazz Orchestra avec leur afro-jazz militant, les Frères Smith nous servent un Free To Go festif, généreux et fédérateur, gorgé de ces influences qui mettent un peu de soleil dans nos quotidiens d’urbains sédentaires tourmentés. Un peps salvateur distribué par une fratrie de coeur !


mardi 24 mars 2015

Rocky Dawuni – Branches Of The Same Tree (Cumbancha)


Rocky Dawuni – Branches Of The Same Tree (Cumbancha)

Considéré comme une véritable star dans son pays natal le Ghana, le chanteur rasta Rocky Dawuni, installé à Los Angeles, publie chez Cumbancha son sixième opus intitulé Branches Of The Same Tree. Bardé d’accents caribéens et pop,  influencé par l’afrobeat de Fela Kuti, le soft reggae de Bob Marley et l’activisme de Michael Franti, ce disque rassemble des références encore bien plus larges, rapprochant ainsi les rythmes de la samba au funk de la Nouvelle Orléans. Et c’est bien dans une optique de fusion et de générosité, de métissage et de partage que le porte-parole de l’UNICEF ou de la Fondation Carter agit depuis ses débuts. Conviant à ses côtés de nombreux invités prestigieux comme on le constate sur le premier single African Thriller, avec le trompettiste d’Ebo Taylor Osei Tutu, le batteur de Fela CC Frank ou le claviériste d’Outkast Dean Gant, Rocky propose une musique ouverte et universelle où les tonalités afro roots et jamaïcaines côtoient l’efficacité des productions de variété internationale.

A noter le groove étourdissant de la reprise, sur une rythmique afrobeat, de l’hymne emblématique de Peter Tosh et Bob Marley Get Up, Stand Up… Ainsi que la ballade Island Girl, aussi charmante que dépouillée, avec Tom Freund à l’ukulélé (partenaire de longue date de Ben Harper).
 

lundi 23 mars 2015

Fatoumata Diawara & Roberto Fonseca – At Home (Jazz Village/Harmonia Mundi)


Fatoumata Diawara & Roberto Fonseca – At Home (Jazz Village/Harmonia Mundi)

S’il fallait illustrer combien l’Afrique et l’Amérique latine sont intimement liées, ce concert capté le 4 aout 2014 au festival Jazz In Marciac et intitulé At Home y répondrait à merveille ! En effet la rencontre transatlantique du prodigieux pianiste originaire de la Havane, Roberto Fonseca et de la diva malienne Fatoumata Diawara sonne comme la fusion parfaite, tant au niveau des rythmes que des mélodies, entre le jazz aux accents afro-caribéens et la tradition mandingue aux couleurs pop.
 
L’énergie que dégage leur union artistique est brulante et leur groove enivrant, à l’image du titre afro pop Sowa, composé par Fatou et ouvrant l’album.
Roberto, dans Connection nous invite ensuite au gré des percussions ensorceleuses et de ses accords de piano jubilatoires à partager son africanité qu’il mâtine allègrement dans Yemaya d’une fougue jazz funk des plus entraînantes.
Real Family est une ballade acoustique troublante et engagée que Fatoumata chante en français et en bambara, elle y traite de la condition des jeunes femmes dans son pays.
Avec Clandestin, même si le propos demeure grave, le tempo s’accélère à nouveau et la chaleur se fait ressentir jusqu’à Neboufo et ses arrangements aériens évoquant des paysages magiques.
Entourés de Ramsés Rodriguez à la batterie, Joel Hierrezuelo aux percussions, Yandy Martinez à la basse, Sekou Bah à la guitare électrique et Drissa Sibide au kamélé n’goni (cousin de la kora), Fatoumata et Roberto ont développé une connivence évidente et naturelle, une complicité musicale et scénique radieuse à l’image de leur jeunesse et de leur beauté respective !


dimanche 22 mars 2015

Marcus Miller – Afrodeezia (Blue Note Records)


Marcus Miller – Afrodeezia (Blue Note Records)

Chaque disque de Marcus Miller est un évènement, chacun d’eux est une immersion dans son univers en fusion qu’il nous dépeint à grand renfort de slap et de lignes de basse massives au groove assassin. Après Renaissance paru en 2012, il publie Afrodeezia  sur le prestigieux label Blue Note, entouré d’un quintet exceptionnel : le saxophoniste Alex Han, le trompettiste Lee Hogans, le pianiste Brett Williams, le guitariste Adam Agati et le batteur Louis Cato. Nommé artiste de l’Unesco  pour la paix en 2013 et porte-parole du programme éducatif La Route De l’Esclavage, Marcus entreprend avec ce nouvel opus de « remonter à la source des rythmes qui font la richesse de son héritage musicale », de l’Afrique aux Etats-Unis , en passant par la France, le Brésil ou les Caraïbes.

Débutant son voyage initiatique en Afrique, il s’abreuve de culture mandingue au Mali, passe prendre le chanteur Alune Wade au Sénégale puis poursuit son exploration de l’ouest africain vers le Ghana berceau du Highlife, tout proche du Nigeria et plus précisément de Lagos terre de l’afrobeat et de Fela Kuti. Hylife est la première étape de son pèlerinage et constitue par la même le premier single d’Afrodeezia.

Dans B’s River, inspiré par sa femme Brenda au retour d’un trip en Zambie, Marcus au guembri (ainsi qu’à la basse et à la clarinette basse), Cherif Soumano à la kora, Guimba Kouyaté à la guitare, Adama Bilorou Dembele aux percussions et Etienne Charles à la trompette, nous invitent en Afrique Australe pour une ballade où jazz, mélodie pop et sonorités ancestrales font bon ménage autour d’une rythmique hypnotique, avant de descendre en Afrique du sud écouter les chœurs interpréter du gospel.

Dans Preacher’s Kid (Song For William H), dédicacé à son père William, Marcus troque en effet sa guitare basse pour une contrebasse et rassemble autour de lui l’organiste Cory Henry (Snarky Puppy) et une chorale d’exception composée des voix d’Alune, Lalah Hathaway (oui oui, vous ne rêvez pas !), Julia Sarr et Alvin Chea des Take 6.

Traversons l’Atlantique maintenant, les rythmes chaloupés de la samba font leur entrée avec un titre coécrit par un héro de la MPB Djavan, We Were There. Le pandeiro et autres percussions de Marco Lobo servent d’écrin à une bassline ‘millerienne’ tonique, rejointe par le solo du pianiste de génie Robert Glasper au Fender Rhodes (pincez vous une nouvelle fois !) et par les chœurs d’inspiration brésilienne menés par le scat brulant de Lalah.

Dans un thème plus classique, Mr Miller et sa bande nous livre un Papa Was A Rolling Stone des plus funky, si vous êtes pris de tremblements et de vertiges pas d’inquiétude, ce doit être à cause des riffs de guitares électriques et acoustiques du légendaire Wah-Wah Watson (présent dans la version originale des Temptations) et du bluesman Keb’ Mo’, ou bien du souffle électrisant de l’excellent trompettiste Patches Stewart.


C’est le violoncelliste classique Ben Hong, notamment remarqué au côté de Bobby McFerrin et de l’orchestre philarmonique de Los Angeles, qui nous fait prendre de la hauteur grâce à sa délicate interprétation d’une composition du français George Bizet, I Still Believe I hear (Je Crois Entendre Encore). Guitare basse et violoncelle semblent évoluer en apesanteur, jouant à l’unisson une mélodie faite d’arabesques.

Son Of Macbeth et ses accents caribéens nous plonge ensuite dans une mer au bleu azur, le genre de paysage idyllique où le calypso s’anime sur les sonorités métalliques des tambours d’acier, ici domptés par le joueur de steel drums Robert Greenridge. Ce titre est un hommage au percussionniste originaire de Trinidad et Tobago Ralph Macdonald, qui débuta sa carrière dans la troupe du crooner Harry Belafonte.

L’intermède alléchante Prism nous fait songer, le temps de ses 30s, à la magie du groove nusoul d’un Woodoo de D’Angelo, sensuel et addictif. Il semble être extrait d’une jam session enregistrée sur un vieux dictaphone par Marcus et ses réguliers.

 
Xtraordinary et ses reflets pop est une autre de ces sublimes ballades évoquant l’habileté qu’a le compositeur à fusionner les genres musicaux, un peu à la manière du bassiste et chanteur camerounais Richard Bona. Alvin Chea y fredonne avec son timbre de voix très bas une mélodie enivrante tandis que Marcus, à la guitare basse gémissante, se met aussi à la kalimba, instrument africain 3 fois millénaire.

Water Dancer porte bien son nom, hymne à la danse et à la fête porté par une énergie débordante, il pourrait être le thème joué par un brass band électrifié de la Nouvelle Orléans. A noter la participation d’Ambrose Akinmusire à la trompette, Michael Doucet au violon et Roddie Romero à l’accordion.

En clôture d’Afrodeezia, Marcus a convié le beatmaker Mocean Worker et la moitié de Public Enemy Chuck D, pour un I Can’t Breathe electrojazz s’ouvrant avec une ritournelle gnawa interprétée au guembri  par notre serviteur en personne, bientôt rejoint par les séquences du producteur, bassiste et chanteur natif de Philadelphie et le flow revendicateur d’un des piliers du hip-hop engagé et politique.

Marcus Miller voulait à travers ce projet célébrer la musique afro-américaine et montrer qu’elle pouvait donner de la voix à ceux qui n’en n’avait pas, à l’instar des esclaves arrachés à leur terre natale et enchaînés à une autre, qui ont ainsi fait naître malgré l’oppression de nouvelles formes d’expressions hybrides et syncrétiques, comme l’ont été le gospel, le blues puis le jazz et la soul... 
 
 
 
 
 
… Good Job !