vendredi 23 janvier 2015

Silk Rhodes – Silk Rhodes (Stones throw Records)


Silk Rhodes – Silk Rhodes (Stones throw Records)

Silk Rhodes publiait en Décembre 2014 son premier opus au titre éponyme sur le prestigieux label californien Stones Throw - l’exigeante maison de disque orientée hip-hop underground a signé de véritables légendes du beatmaking comme Jay Dilla (RIP), Madlib, Dudley Perkins, MF Doom ou encore Percee P - Peanut Butter Wolf (patron du l’écurie) a véritablement eu le coup de cœur pour leurs sonorités sensuelles et racées, aux accents psychédéliques, funky et méditatifs surgis d’un autre temps.

Le duo originaire de Baltimore et composé du producteur Michael Collins et du chanteur Sasha Desree, nous présentait alors leur soul cosmique au groove minimaliste renouant avec la tradition classique des 70’s, dont The Delfonics de Philadelphie ou encore l’immense Al Green figurent parmi les piliers.

Si leur son est dépouillé, leur look s’avère l’être beaucoup moins ! En effet nos deux dandies arborent un style kitsch-vintage semblant tout droit sortie d’un film de Tarantino ou d’un clip de Prince (qui semble être une de leurs références musicales). Vêtus de chemises à jabot, de colliers de perles, de blazers et de pantalons à taille haute et pattes d’éléphant, l’un porte de longs cheveux bouclés et une fine moustache, l’autre une barbe bien taillée et un chignon lâche…

Pour l’anecdote, l’album est né sur la route, dans une voiture, un Honda CR-V 97’ exactement ! Une pédale pour harmoniser, auto tuner et faire des boucles, un micro, le radiocassette pourri du bolide et la voix de Sasha, douce, langoureuse, dramatique et captivante, formée au chant classique.

En résultent 12 ballades aux atmosphères romantiques, organiques et suaves… Sauf 2 peut être, habitées d’un groove plus assassin et ensorceleur que les autres, le très sexy Face 2 Face et Personal Use, plus electro funk…presque deep house !

Les productions épurées de Michael sont parfaitement élaborées pour évoquer les arrangements magiques et efficaces de Sly And The Family Stone sans pour autant donner l’impression d’en être de vulgaires plagiats. Les influences bien actuelles du R&B et de la nusoul sont perceptibles, comme celles de la pop et du rock, ce qui fait de  Silk Rhodes une entité bien différente des signatures vintage de Daptone Records (que j’apprécie par ailleurs).

C’est en état d’apesanteur que l’auditeur parcourt donc ces 30 minutes de pur bonheur, bien au chaud dans l’univers soul soyeux et délicat d’un tandem à suivre de près !

mercredi 21 janvier 2015

Olivier Sens + Juanjo Mosalini – Dicrete Time (ZAM/Socadisc)


Olivier Sens + Juanjo Mosalini – Discrete Time (ZAM/Socadisc)

Discrete Time est le produit d’une collaboration inédite de deux musiciens d’exception, le contrebassiste/programmeur français Oliver Sens et le bandonéoniste argentin Juanjo Mosalini. Les sonorités acoustiques de leurs instruments respectifs se mêlent à des nappes et des rythmiques électroniques sophistiquées mais discrètes. Le lyrisme virtuose du bandonéon s’appuie sur l’assise délicate et langoureuse de la contrebasse, la programmation venant théâtraliser avec finesse cet accord subtil mêlant la créativité et l’improvisation du jazz à l’expressivité et la sensualité du tango.


Giovanni Mirabassi Quartet – No Way Out (CAM Jazz/Harmonia Mundi)


Giovanni Mirabassi Quartet – No Way Out (CAM Jazz/Harmonia Mundi)

Considéré comme l’un des plus jeunes musiciens de la génération des « italiens de Paris », le pianiste et compositeur autodidacte Giovanni Mirabassi publie son nouveau projet personnel intitulé No Way Out. Souvent remarqué en tant qu’accompagnateur dans le milieu de la chanson, il s’illustre aussi dans différentes formations jazz aux côtés de Louis Moutin, Flavio Boltro ou encore Leon Parker. Ici le quadragénaire, accompagné du batteur cubain Lukmil Perez Herrera et du contre-bassiste Gianluca Renzi, invite l’excellent vibraphoniste de Los Angeles Stefon Harris. Le quartet nous propose 8 compositions pleines de fraîcheur et d’élégance, aux mélodies exquises et ensorceleuses. Le disque sonne très jazz américain moderne et évoque immanquablement l’âge d’or de Blue Note des années 60.
Ci-dessous un extrait de son opus Cantopiano paru en 2006, dans lequel Giovanni rendait hommage à la chanson française.


lundi 19 janvier 2015

Mark Ronson – Uptown Special (Columbia/Sony Music)


Mark Ronson – Uptown Special (Columbia/Sony Music)

En ce début d’année plutôt troublée (on évitera de s’étendre sur le sujet !), voici un remède efficace contre les maux de tête et les crises d’angoisse, l’album Uptown Special… En effet le beatmaker anglais Mark Ronson, guitariste, chanteur et Dj, qui s’est illustré aux côtés de Robbie Williams, Adele, Amy Winehouse (RIP), Maroon 5, Duran Duran ou encore Nate Dogg (RIP), nous propose son 4° disque aux influences disco, funk, jazz-rock, soul, britpop, hip-hop et R&B.

Largement inspiré et influencé par son mentor, son « number 1 hero » comme il dit, Stevie Wonder présent à l’harmonica dans l’intro et l’outro, Ronson s’est entouré de véritables pointures, toutes inattendues comme à son habitude.

Il a judicieusement fait appel au chanteur australien Kevin Parker de Tame Impala qui inonde de sa voix douce et de son aura psyche pop 3 titres somptueux, convoquant avec une certaine nostalgie les souvenirs de John Lennon d’un côté (Leaving Los Feliz)et des Delfonics de l’autre grâce à des productions sonnant très philly soul (Summer Breaking).

L’américain Andrew Wyatt de la formation indie-pop suédoise Miike Snow, nous replonge quant à lui dans les plus beaux moments de la carrière de Stevie, lorsqu’il nous enivrait de ballades au groove sensuel (Uptown First Finale et Heavy And Rolling)… Dans Crack In The Pearl où le spectre de Frank Ocean semble planait, Mark invente une nappe instrumentale nébuleuse et planante sur laquelle Andrew déploie une soul étourdissante et profonde.

Avec Feel Right, le rappeur de la Nouvelle Orléans Mystikal (on se souvient de son sulfureux Shake Ya Ass) prend les allures d’un géant à l’organe de James Brown et au flow de Busta Rhymes, le maestro lui concocte une instru des plus funky, digne d’un arrangement de Fred Wesley pour les JB’s.

Uptown Funk n’est quant à lui plus à présenter, l’artiste l’a voulu comme un clin d’œil à ses débuts en tant que DJ, alors qu’il officiait pour le gotha de La Grosse Pomme ! Premier single et énorme succès, on y écoute un Bruno Mars au sommet de son art, Prince, Earth Wind & Fire et Marcus Miller paraissent s’être donnés rendez-vous pour un moment d’anthologie… A noter la présence du guitariste Tommy Brenneck des Dap Kings… dans le genre rythmique sexy au groove contagieux il n’y a pas mieux !

Dans la même veine, Ronson poursuit son immersion dans le funk des années 80 avec I Can’t Lose, autre tube en puissance où la toute jeune Keyone Starr prend des airs de France Joli lorsqu’elle interprétait en 1981 le fabuleux Gonna Get Over You.

In Case Of Fire, interprété par Jeff Bhasker, producteur, pianiste et compositeur américain (Alicia Keys, Beyoncé, Kanye West) ayant coécrit une grande partie d’Uptown Special avec la complicité d’Emilie Haynie (Eminem, Lana Del Rey) et de l’écrivain essayiste Michael Chabon, est un savoureux mélange de pop, de R&B et de soft rock. Mark a créé son riff de guitare en s’appuyant sur une ligne de violoncelle qu’avait pensé Rufus Wainwright pour Jericho, extrait de son dernier album. L’anglais l’a adapté en s’inspirant du texte de Chabon, il en résulte ses sonorités si familières qui personnellement me rappellent Bad et notamment The Way You Make Me Feel, réalisé par Michael Jackson (RIP) en 1987.

Bref, autant dire que Mark Ronson nous balance du lourd, les puristes diront qu’il s’est fourvoyé, se laissant tomber dans le confort et l’ivresse du mainstream… C’est certain que le son d’Uptown Special n’a pas la pureté brute du Back To Black d’Amy Winehouse, qu’il avait produit en 2006, mais on ne peut que tomber sous le charme de ce disque à l’énorme potentiel dancefloor et aux couleurs fluorescentes des 80’s.





vendredi 16 janvier 2015

Noëmi Waysfeld & Blik – Alfama (Awz Records/L’Autre Distribution)


Noëmi Waysfeld & Blik – Alfama (Awz Records/L’Autre Distribution)

Le fado chanté en yiddish…! Qui aurait pensé un jour écouter la fusion de ces deux univers à priori aux antipodes l’un de l’autre ? Le portugais ne serait donc plus la langue officielle de cet enivrant chant mélancolique immortalisé par son ambassadrice Amalia Rodrigues ? La jeune parisienne Noëmi Waysfeld et son groupe Blik (« regard » en yiddish) réunissent dans leur dernier projet, baptisé Alfama, la saudade portugaise et la nostalgia polonaise. Le chant de Noëmi sorti tout droit des quartiers juifs d’Europe de l’est se nourrit de la tradition musicale des bars lisboètes, il aborde le thème inlassable des amours perdues, déchirées, éloignées et maudites. Succédant à Kalyma, qui ressuscitait la complainte des prisonniers sibériens et se réappropriait les traditionnels yiddish, Alfama sera suivi d’un ultime volet, évoquant l’histoire des migrants russes fuyant vers les Etats-Unis. Un triptyque sur l’exil…  
 

Antonio Castrignano - Fomenta – Ilenu De Taranta (Ponderosa/Harmonia Mundi)


Antonio Castrignano - Fomenta – Ilenu De Taranta (Ponderosa/Harmonia Mundi)

Nous découvrions il y a peu le dernier opus de la chanteuse Maria Mazzotta, qui faisait un clin d’œil à sa région natale du Salento avec le violoncelliste Redi Hasa, c’est au tour d’un autre natif des Pouilles dans le sud de l’Italie de nous transmettre la vitalité de ce folklore enjoué datant du XVII° siècle et baptisé Tarantelle. Le chanteur Antonio Castrignano est un de ces rares artistes à interpréter ces rythmes effrénés et ces mélodies endiablées. Avec Fomenta – Ilenu De Taranta, il nous montre la musicalité, l’énergie et l’esprit festif que dégage cette tradition qui donnait lieu à de grandes fêtes païennes où la danse « Pizzica » conduisait à la transe ! On y retrouve ces sonorités fougueuses de nos médiévales farandoles, colorées d’accents orientaux et balkaniques.

 

Wang Li – Past . Present . Future (Zaman Prod/Buda Musique)


Wang Li – Past . Present . Future (Zaman Prod/Buda Musique)

 
 

Il est des projets musicaux qui, au premier abord, semblent bien éloignés de ce que l’on considère, la plupart du temps, comme chose musicale. Past . Present . Future, du musicien basé à Paris Wang Li, est un de ces projets aux accents expérimentaux qui surprend et repousse pour finalement happer l’auditeur au gré de ses explorations méditatives entre tradition et avant-garde… En effet, ce spécialiste de la guimbarde chinoise et de la flûte à calebasse nous plonge dans un espace sonore aux frontières floues, les ambiances y sont sombres et mystérieuses, parasitées par des effets électroniques diaphoniques aux résonnances à la fois intimistes et hypnotiques. La musique de Wang Li rappelle parfois celle des aborigènes australiens et leurs didgiridoo, mais évoque aussi la diphonie des chants tibétains… Les pulsations sourdes et amplifiées émises par les vibrations de la guimbarde dans la bouche de l’artiste engendrent même des beats métallisés proches de ceux de certaines productions électro minimal.