Misia –
Delikatessen cafe Concierto (Verycords/Warner Music France)
Diva anticonformiste
du fado, la chanteuse portugaise Susana
Maria Alfonso de Aguiar ou Misia,
nous livre son dernier opus intitulé Delikatessen
Cafe Concierto. La tracklist capte d’emblée notre attention avec des guests
aussi prestigieuses que surprenantes, la rockstar Iggy Pop par exemple intervient avec une profondeur insoupçonnée
dans une reprise touchante de La Chanson
d’Hélène et la brésilienne Adriana
Calcanhotto partage le sublime texte du délicat Que Sera. Boléros, tangos, chansons espagnoles, françaises
et portugaises… Misia joue avec les
mots, les styles et les époques, réinterprétant des thèmes qu’elle qualifie de « kitsch et
cinématographiques », fonctionnant comme les plats « d’un repas
magique et chaotique ».
Malgré tous ses dehors blingbling et son orgueil démesuré, le
patron mégalo de G.O.O.D. Music Kanye
West a vu juste en s’intéressant au nouveau projet du jeune prodige originaire
de Trinidad, Théophilus London. En
effet le rappeur newyorkais publie Vibes,
un disque aux influences multiples, allant de la soul anglaise façon Omar dans le sublime Water Me, à la synthpop
de Neu Law, en passant par le hip-hop alternatif de Can’t Stop, le new jack swing façon Boyz II Men de Figure It Out, l’électrofrench touch de Tribes et la pop’n’Bexpérimentale façon Prince de Heartbreaker ou Need Somebody.
L’artiste affirme avoir passé deux années à réaliser ce second
disque, un long chemin parsemé de tâtonnements et de questionnements, mais récompensé
au final par un son classieux plus abouti et prometteur.
Théophilus a
réuni autour de lui des invités intéressants puisque la légende de la Motown Léon Ware y côtoie des signatures de
Ninja Tune Jessie BoykinsIII et de Bromance Le Club Cheval et Brodinski,
le producteur exécutif K.W. en
personne, la chanteuse française Soko,
ou encore Devonte Hynes de
Lightspeed Champion ! On note aussi la participation du couturier Karl Lagerfeld pour la direction
artistique… Rien que ça !
Vibes est une
réussite difficilement définissable tant son instigateur a les idées larges. Les
conseils de Kanye l’ont aiguillé
vers un flow plus mélodique, des sonorités plus fashion et pop, mais
surtout vers un art de l’entertainment plus averti ! Espérons juste pour le
futur, que Theophilus n’ait pas
définitivement vendu son âme au diable.
16 années et un tas de tournées et de collaborations se sont
écoulés depuis la parution du premier opus du guitariste guinéen Djessou Mory Kanté. L’artiste est issu
d’une longue lignée de griots au même titre que les célèbres familles Diabaté
ou Kouyaté. Intitulé Guitare Sèche, on pouvait y écouter le musicien virtuose
interpréter quelques grands classiques du répertoire mandingue. Avec River Strings – Maninka Guitar, le
petit frère de l’illustre Kanté Manfila (RIP) poursuit sa célébration de la tradition musicale de l’Afrique de l’Ouest en
nous offrant 13 titres instrumentaux enjoués
et envoutants parmi lesquels on retrouve Coucou et Laban, composés
par les chantres de la culture mandingue, feu son grand frère et l’illustre Salif
Keita. C’est chez ce dernier d’ailleurs, au studio Moffou à Bamako, qu’il enregistra ce disque.
Ben Sidran
– Blue Camus (Bonsai Music/Harmonia Mundi)
Le jazzman américain Ben
Sidran, diplômé en littérature anglaise et docteur en musicologie, nous
livre son nouvel opus intitulé Blue Camus.
Faisant suite à plus d’une trentaine de disques parus depuis 1970 en tant que
sideman ou leader, le pianiste, professeur, journaliste et animateur télé/radio
s’attèle à nous présenter un projet inspiré du roman L’Etranger de l’écrivain français Albert Camus (Blue Camus),
de la fable La Ferme des Animaux de
l’anglais George Orwell (‘A’ Is For Alligator) et du recueil de
poèmes Poète à New-York de
l’espagnol Frederico Garcia Lorca (The King Of Harlem). Le choix de ses 3
œuvres majeures de la littérature engagée datant du début des années 40 (Ben
naquit un 14 aout 1943) indique sans équivoque les prises de positions du
personnage qui reprenait en 2009 les textes de Bob Dylan dans Dylan Different
ou qui expliquait en 2012 dans son livre There Was A Fire : Jews, Music
and the American Dream, l’influence juive dans la musique américaine !
Lui qui a collaboré avec les plus grands noms du jazz et du
rock américain, des Rolling Stones à Wynton Marsalis en passant par Steve
Miller (Ben est d’ailleurs l’auteur d’un
de ses tubes Space Cowboy), Eric
Clapton, Gill Evans, Bobby Mc Ferrin ou encore Herbie Hancock, enregistre avec Blue Camusun disque aux tonalités jazz/blues, influencé par le pianiste/chanteur Mose Allison connu pour sa fusion entre
la musique aux trois accords et le be-bop.
Notre érudit, loin de vouloir faire une musique intellectuelle
et inaccessible, trouve donc sa voix et sa voie « en racontant des histoires sur de la musique qui groove ».
En effet le gentleman charmeur entouré pour l’occasion de son fils Léo à la batterie et des
frères Peterson, Ricky à l’orgue hammond et Billy à la basse, parle, chante,
improvise et joue avec les mots et les idées non sans humour, et toujours avec
un esprit critique aiguisé. Il ballade sa voix suave et attachante sur des mélodies jazzy où swing et
décontraction font bon ménage.
Dans Wake Me It’s Over,
allusion aux aventures d’Alice au Pays des Merveilles de l’ambigue Lewis
Carroll, Ben Sidran se fait crooner
délicat à l’instar d’Al Jarreau tandis que sur Dee’s Dilema du pianiste Mal Waldron (unique reprise de l’album) il
rend hommage au saxophoniste Jackie McLean avec un groove ravageur et
communicatif.
À 71 ans, Ben
Sidran, artiste complet et discret, parvient une nouvelle fois à nous
surprendre par sa jeunesse et sa fraîcheur !
Véritable petit bijou sonore nous projetant, le temps de ses
37 mn, dans une nuit coquine éclairée par une boule à facettes et un
stroboscope, ce second album au titre éponyme des américains de Twin Sister,
rebaptisé Mr Twin Sister, abandonne
les sonorités indie-pop du précédent In Heaven pour explorer de nouveaux
univers musicaux faits d’instants ambient
(Medford et Crime Scene), chill out (Sensitive), quiet storm (Rude Boy et Blush), cosmic house (In The House Of
Yes), electro disco (Out Of The Dark) et dark techno (Twelve Angels)…
N’ayant pas connu le groupe avant leur renaissance sous
l’entité Mr Twin Sister, je découvre
sur le tard la mutation opérée par les 5 musiciens de Long Island depuis leur
dernier effort paru en 2011. Orientés dream pop et psyché pop, la chanteuse Andréa Estella, le bassiste Gabe d’Amico, le claviériste Dav Gupta, le guitariste/chanteur Eric Cardona et le batteur Bryan Ujueta ont opté cette fois-ci pour
une identité musicale plus aquatique et complexe,où le R&B nébuleux de Sade côtoie le
trip-hop de Lana Del Rey sur fond d’électro au groove sensuel et hypnotique.
Le Dj/producteur californien Anthony Anderson alias AMP
Live publie son second opus solo baptisé Headphone Concerto. Il y élabore un univers musical singulier,
flirtant autant avec le hip-hop et
l’électro que la musique classique. La moitié de Zion I,
qu’il forme avec le MC Zumbi depuis 2000, fait grand bruit lorsqu’en 2008 il
revisite In Rainbows de Radiohead, obtenant non sans mal l’autorisation de mettre
gratuitement à disposition du publique ce fameux projet de remixes intitulé Rainydayz.
Headphone Concerto
se distingue par des mariages sonores inattendus, passant en effet des arrangements symphoniques de la
violoncelliste Rebecca Roudman (des Dirty Cello) distillés notamment dans Remembrance et Flight, aux reflets cuivrésravageurs
de Last Wall, en passant par les
sonorités dubstep de Brass Knuckles ou 100,000 Watts…
Le beatmaker accorde une
importance particulière au chant, on apprécie la participation enivrante des
chanteuses Saint Tiimbre sur un Run Back nébuleux, Ill-Esha sur un Are We
Dancing aux couleurs R&B ou
encore Povi Tamu sur un Hustle 360 très néo soul. Les voix masculines sont aussi misent à l’honneur comme
celle d’Eric Rachmany qui, sur Signs, nous livre une prestation suave
et hypnotique. Les invités sont pléthore puisque que l’on note à leur côté la
présence des rappeurs Planet Asia, The Grouch & Eligh, Anya & Prof, Sol, Dom de Big Gigantic
ou encore The Reminders…
Si l’on devait définir la musique du groupe montréalais Monogrenade, un mot viendrait à
l’esprit et c’est d’ailleurs le titre de leur deuxième opus, Composite.
En effet la formation
électro-pop parvient à déployer, malgré l’usage exclusif du français, une
force mélodique unique. Utilisant des synthés et boîtes à rythmes vintage
alliés à une basse polymorphe (François
Lessard) et une batterie tranchante (Mathieu
Colette), Jean Michel Pigeon et
ses musiciens nous livrent 10 chansons
somptueuses, hypnotiques et énergiques, piochant leurs influences dans le rock indé (Labyrinth) et le folk-pop-alternatif
(J’attends), tout en s’élevant par
moment vers un rock planant voire
cosmique auquel s’ajoute les
arrangements de cordes raffinés et majestueux de Marianne Houle, Ingrid
Wissink et Julie Boivin (Composite, Phaéton, Le Fantôme). La voix suave et brumeuse du leader, claviériste
et guitariste, nous raconte la complexité de l’homme et de ses rapports avec
autrui (L’aimant) et son
environnement (Metropolis).
Composite est
plus rythmé et plus théâtrale que leur précédent Tantale, il explore différents univers musicaux et croise les sonorités électroniques, électriques et
acoustiques sur des mélodies pop
fraîches et entraînantes (Cercles et
Pentagones, Tes Yeux).
Marina
Quaisse – The Legend Of Sirena (Phonosaurus Records)
La violoncelliste française
Marina Quaisse a débuté sa carrière dans le répertoire classique, ayant
fait ses armes en orchestre symphonique et orchestre de chambre. En 1999, elle
s’investie au sein d’un projet trip-hop
baptisé Aktarus qui ne durera pas,
mais ses rencontres avec les producteurs Wax
Tailor puis plus tard Mattic influenceront
définitivement sa palette musicale. Intégrant
les vibrations et la grâce de son instrument à des productions abstract hip-hop
aquatiques et hypnotiques, la jeune compositrice nous offre enfin son
premier opus intitulé The Legend Of
Sirena, publié sur le label quebeco-franco-suisse Phonosaurus Records. Les
beats soignés qui font penser ici aux productions de Dj Krush et là à
celles de Dj Cam, servent d’écrin aux lamentations poétiques du violoncelle de Marina rejointe dans Dance With The Devil et Good Times par l’excellent rappeur Mattic. L’histoire commence un 8th of July, lors d’un embarquement (Boarding Time), le personnage principal
est une sirène ensorceleuse voulant attirer un marin séduit au fond de la mer (The Torning Sound). The Legend Of Sirena nous raconte sa descente dans les profondeurs
d’une eau calme et paisible (In a
Peaceful Deep Water), un bref interlude amoureux et joueur cède ensuite sa
place aux regrets et à la nostalgie d’une surface lumineuse et familière (Nostalgia) …
Alfred Darlington
alias Daedelus publie sur le label
de Flying Lotus un nouvel opus délicat et mélancolique intitulé The Light Brigade. Brainfeeder,connu pour
ses signatures glitch-hop, met ici en lumière un album dominé par les sonorités acoustiques d’une guitare sèche
et quasiment privé d’électronique. La
voix du californien inonde de sa douceur éthérée une musique folk expérimentale aux accents liturgiques (comme on peut l'entendre sur le premier single Onward). Daedalus, qui nous avait habitué à un
univers bien plus baroque et arythmé, évoque dans ce recueil de complaintes déchirantes la tragédie de la Guerre de Crimée avec une empathie
saisissante, à l’instar du final Country
Of Conquest, traversé par des cordes funestes et lancinantes.
Neil Cowley
Trio – Touch And Flee (Naim Jazz/Harmonia Mundi)
Rien d’étonnant que ce soit un jour de pluie que le jazz anglais, ample et envoutant, du
Neil Cowley Trio attire mon attention
me tirant d’une humeur plus que maussade. Touch And Flee est le cinquième album studio de la formation. Le pianiste, accompagné du batteur Evan Jenkins et du contre bassiste Rex Horan, y distille une musique atmosphérique que l’on
pourrait rapprocher de celle des icônes scandinaves Gustavsen et Svensson,
déployant des motifs subtils et gracieux
où les pulsations délicates de la batterie servent d’écrin au groove délicieux de la basse et aux nappes harmonieuses, volumineuses et expressives du piano. Le
jazz de Neil Cowley s’exprime dans
la lenteur et l’élégance mélodique à travers 9 titres méditatifs parfois
sombres mais toujours délicats.
Jozef
Dumoulin & The Red Hill Orchestra – Trust (Yolk Music/L’Autre
Distribution)
Remarqué pour ses interventions dans le Magic Malik
Orchestra ou auprès des frères Belmondo, le claviériste jazz Jozef Dumoulin, « spécialiste du
Fender Rhodes »,publie chez Yolk Music son dernier projet mené en
trio et nommé Trust. Le prodige
belge, installé à Paris, embarque avec lui dans TheRed Hill Orhestra
les deux américains : Ellery
Eskelin au saxophone ténor et Dan
Weiss à la batterie. Tous trois mettent en scène des atmosphères sonores sombres et complexes où le jazz se libère lors de sets
d’improvisations psychédéliques et d’expérimentations aériennes. Trust est un recueil de 12 compositions nébuleuses et poétiques,
articulées autour d’une seule et même idée, l’interaction entre différentes approches
musicales, Ellery et ses embardées free
jazz, Danet ses influences puisées dansla
musique indienne et la pratique des tablas.
Hell’s Kitchen – Red Hot Land (Moi J’Connais Records/L’Autre
Distribution)
Crasseux et rongé jusqu’à la corde, le blues lancinant et dissonant des 3 petits suisses de Hell’s Kitchen sonne diablement juste !
Publiant leur cinquième disque intitulé Red
Hot Land sur Moi J’Connais Records,
les bluesmen helvètes à l’énergie punk
nous proposent un retour aux sources de la musique aux trois accords, vers un essentiel
brutal, abrasif et rugueux. Enregistré à l’ancienne et mitonné au whisky, le blues rural de Hell’s Kitchen trouble la vue et enfume l’esprit. La voix rauque de
son leader Monney B, la « percuterie »
écorchée de Taillefert C et la basse
rondelette de Ryser C composent cette
tambouille brûlante assaisonnée du piment de quelques complices dont Robin Girod au banjo, Charles Wicki à l’accordéon et Matt Verta-Ray à la guitare.
Délibérément taillé pour le dancefloor, Abaporu (qui se traduit « l’homme qui mange la chaire humaine »
en indien Tupi Guarani), quatrième long format du Dj/producteur brésilien Gui Boratto, nous replonge dans les
beats et les ambiances chaudes et
raffinées qu’il présentait pour la première fois en 2007avec son sublime
Chromophobia. Bien plus accessible que ses précédents projets, Abaporu froissera les puristes que le
chouchou de l’écurie Kompakt avait
conquis avec ses maxis aux sonorités minimal tech et acid house, mais ravira
les amateurs de chill-out, de rythmiques pop impeccables et d’ambient ibérique solaire. Nourri de
toutes les musiques électroniques actuelles et véritablement immergé dans la culture
brésilienne (depuis son récent mariage), l’artiste a voulu rendre hommage au mouvement anthropophage, ce courant
artistique brésilien issu du modernisme qui prônait au début du 20° siècle
l’appropriation et l’imitation des cultures européennes.
Le nom et l’artwork de
l’album sont eux-mêmes tirés d’une des peintures les plus importantes de l’art
brésilien, datant 1928 elle symbolise avec son apparente naïveté l’âme d'un Brésil complexe, où le soleil et le culte du corps cohabitent avec la pauvreté
et le travail forcé.
Se référant à ce chef d’œuvre et à l’ensemble des représentations
engagées mais étranges, irréelles et imaginaires réalisées par la peintre Tarsila Do Amaral, artiste emblématique
de ce cannibalisme culturel
‘Brésil/Europe’, ce disque serait un nouveau trait d’union entre Tom Jobim
et Phonique, entre la mélancolie et l’euphorie, le folklore et la culture club.
Ce qui est certain, c’est que l’efficacité de morceaux tels
que Please Don’t Take Me Home, Too Late et Let’s Get Started, avec leurs vocaux
pop, leurs accents funky et leurs
rythmiques deep house, fait mouche
dès la première écoute. Les synthscapes, les nappes de claviers technoïdes et
les lignes de basse aux tonalités plutôt sombres de Abaporu, Joker ou encore Palin Dromo évoquent quant à eux l’influence
de la techno berlinoise…
Gui Boratto une
fois de plus ne déçoit pas même s’il surprend à vouloir séduire un plus
large public!
Le mythique duo viennois Tosca semble renouveler sa palette musicale en publiant via le
label berlinois !K7Records son dernier disque intitulé Outta Here. Richard Dorfmeister et Rupert
Huber nous avaient habitué depuis leur association en 1994 à des ambiances laid
back, downbeat et chill out, on se souvient en effet des opus Opéra, Suzuki ou
dernièrement No Hassle et Odéon. Les autrichiens, largement influencés par John
Lee Hooker, réorientent aujourd’hui leur projet vers des sonorités plus soul, acid
jazz etbien sûr bluesvoire même country (Put It On) avec
des rythmiques à la dynamique plus up-tempo. Les lignes de basse musclent le
groove de titres comme Have Some Fun,
My Sweet Monday ou Prysock, même si les ingrédients lounge qui ont fait le succès de Tosca demeurent, à l’instar de l’esprit
dub de Happy Hour, trip-hop de Lone Ranger et ambient des interludes Schopsca
et H.D.A.
À noter la participation exceptionnelle de Earl Zinger (un alias de Rob Gallagher à l’origine du groupe
acid jazz Galliano) et Cath Coffey
(des Stereo MCs), que l’on peut écouter sur le premier single Crazy Love.
Certains disques se laissent apprivoiser facilement, mais là
avec You’re Dead !, ce n’est
pas si évident ! En effet le beatmaker américain basé à L.A., Steven
Ellison aka Flying Lotus, patron du
label Brainfeeder, nous livre par
l’entremise de la maison anglaise Warp
une mouture sombre et mélancolique, complexe et puissante, sans concession
aucune et libre de tous canons esthétiques. Considéré comme l’un des producteurs
underground les plus en vue de la côte Ouest, FlyLo a fait les choses en grand avec des mois de teasing intensif et l’invitation de guests plus que prestigieuses.
Avant même sa sortie, le disque était déjà acclamé par une critique unanimement
conquise.
You’re Dead !
est-il un disque de hip-hop ?
You’re Dead !
est-il un disque de jazz ?
Ce qui est certain c’est que Flying Lotus aka Captain
Murphy nous offre 38 minutes intenses de psychédélisme, traversé par un tas
d’influences, du free-cosmic-jazz barré et classieux servi par Herbie Hancock (Tesla) et Thundercat (bassiste/chanteur
exubérant et génial régulièrement embarqué dansles aventures de FlyLo) , à la drum & bass jazzy de l’excellent Never Catch Me où Kendrick Lamar déploie un flow époustouflant, en passant par la
soul nébuleuse de Siren Song et Your Potential/The Beyond murmurées par Angel Deradoorian et Niki Randa, ou le hip-hop game boy de Dead Man’s Tetris éclairé par un Snoop Dogg inattendu dans ce genre de
prestations.
La présence d’une team de musiciens prodiges et novateurs comme
les batteurs Deantoni Parks, Justin Brown et Ronald Brunner, le saxophoniste jazz Kamasi Washington, le guitariste death metal Brendon Small, le violoniste/chef d’orchestre Miguel Atwood Ferguson, les claviéristes Brandon Coleman et Taylor
Graves, renforce l’ampleur de cette fusion entre innovation musicale et
virtuosité technique, qu’a voulu initier le producteur californien dans ce « pèlerinage
transcendantal en territoire inconnu, au-delà de la vie ».
Steven, en
parlant de son projet, affirme qu’il ne s’agit pas d’aborder le thème de la mort comme une fin mais
plutôt comme un commencement, comme
la célébration de nouvelles aventures. C’est ce moment de transition et de
confusion. Ce n’est pas ‘hey tu es mort’
mais ‘hey tu es mort !’ », la nuance étant dans le point d’exclamation.
L’artwork est
réalisé quant à lui par le graphiste japonais Shintaro Kago, réputé pour ses mangas réservés à des lecteurs
avertis, où il traite de sujets grotesques à grand renfort de pornographie, de
scatologie ou de déformation physique. L’artiste y déploie une série de dessins
gores mais beaux où la mort, la nudité et la torture y sont présentées d’une
manière crue et ultra violente (vivisections, éviscérations…) mais esthétique !
You’re Dead !
fera date dans la carrière de Flying Lotus autant que dans les anal de la musique
électronique.
Le collectif islandais GusGus
composé de Birgir Thorarinsson, Daníel Ágúst, Högni Egilsson
et Stephan Stephensen publie sur
le mythique label allemand Kompakt
son dernier opus flamboyant et envoutant intitulé Mexico. Gorgé de sensualité et de groove, de sonorités 80’s, 90’s, trans, deep et techno house, l’album est une ode électro-pop des plus efficaces
et accrocheuses où les synthétiseurs mélancoliques, les percussions lancinantes
et les voix aériennes présents sur Sustain, Crossfade ou This Is What You Get When You Mess With Love
deviennent, sur
des titres up-tempo comme Another Life, Mexico ou Airwaves, plus
entraînants, percutants et imparables.
Deux titres se distinguent de ce travail homogène et bien pensé : dans
un premier temps il y a le superbe God-Application
et sa rythmique break-beat à
l’anglaise se dotant d’une voix soulful du plus bel effet, puis le morceau
d’ouverture Obnoxiously Sexual, une
perle disco orgasmique à en rendre
jaloux Sébastien Tellier.
Mexico est une belle surprise en
cette fin d’été qui semble ici s’éterniser…
Si les compilations du label allemand Kompakt ont pu décevoir à certains moments, la dernière mouture TOTAL14ième du nom, redonne ses lettres de noblesse aux
sélections annuelles de la maison de disques mythique et précurseur dans le
milieu de la musique techno. Créée à
Cologne par les 3 DJs Michael Mayer,
Jürgen Paape et Wolfgang Voigt il y a plus de 20 ans, l’esthétique Kompakt a d’abord collé aux courants microhouse et minimaltechno puis
s’est ouverte aux sonorités pop et
ambient.
TOTAL 14 est un
double LP généreux de 25 titres parmi lesquels on trouve les productions de
piliers de la scène électro tels que Michael
Mayer en personne, le brésilien Gui
Boratto, The Modernist ou Superpitcher (et son excellent Delta), ainsi que de nouvelles
signatures comme Weval (et son
sublime Something (Live)).
Confrontant les textures sonores robustes et percutantes de Justus Köhncke, Blondish ou Terranova
avec les ambiances atmosphériques mélancoliques et deep de Dauwd ou DAMH, les têtes
pensantes de Kompakt nous livrent un
bien bel objet !
À noter la présence de l’enivrant This Is What You Get When You Mess With Love du collectif islandais
GusGus, extrait de leur tout dernier
disque Mexico.
Tru
Thoughts 15th Anniversary (Tru Thoughts Recordings)
Le label anglais basé à Brighton Tru Thoughts fête cette année ses 15 ans d’existence. Embrassant
toutes les tendances musicales urbaines, on retrouve ses signatures dans les
milieux hip-hop, funk, ambient, electro, jazz, soul, reggae, afrobeat ou encore latino. Devenu une véritable marque de fabrique omniprésente dans
les festivals et sur les dancefloor avec des artistes tels Quantic, Bonobo ou
encore Alice Russell, Ty, Titeknots ou bien Omar et Nostalgia 77, Tru Thoughts a su entretenir
brillamment son indépendance et son attachement à la scène musicale
underground.
Le coffret Tru
Thoughts 15th Anniversary, qui ne sera disponible qu’en 500 exemplaires
numérotés et griffés par le grapheur Aroe,
se propose de présenter cette esthétique hétéroclite passée, présente et à
venir en 3 disques 33t colorés et 2 CDs, accompagnés d’un livret bardé d’interviews
et de photos.
Dans sa version basique, la compilation sort le 21
Octobre prochain sous la forme d’un double CD, avec au programme 31 titres
sélectionnés avec soins par le co-fondateur Robert Luis et sa team, où sonorités acoustiques et électroniques,
explorations et expérimentations, remixes et edits, succès éprouvés (de Bonobo ou Quantic) et futures (d’Harleighblu, Youngblood Brass Band
ou Lost Midas) se succèdent sans faute de goût.