Garant de la culture Garifunasur la côte caraïbe du Honduras, le chanteur/percussionniste/guitariste Aurelio
Martinez nous présente son second disque intitulé Landini, dans lequel il revient en 12 titres aux sources des
sonorités traditionnelles de son peuple. Le folklore Garifuna englobe les racines africaines,
amazoniennes et caribéennes et se décline en plusieurs styles dont le paranda
(teinté des rythmes latins et espagnols) qu'Aurelio illustre ici et qui est enseigné, joué et partagé à tous
âges par l’ensemble de sa communauté. C’est Maria Martinez sa mère, qui l’initia dès l’enfance à cet
art coloré où les guitares et les percussions prédominent, Aurelio
y ajouta une touche de modernité respectueuse en le marquant indélébilement de
sa voix touchante.
Ricardo Lemvo & Makina Loca – La Rumba Soyo
(Cumbancha/Pias)
On retrouve dès les premières notes, les premiers accords et
les premières paroles du disque La Rumba
Soyo, l’énergie et la chaleur afro-latine d’Africando avec qui le chanteur zaïrois Ricardo Lemvo a d’ailleurs collaboré par le passé. Pionnier de ce mélange des cultures afro-cubaines (salsa,
rumba, merengue) et panafricaines (soukous, semba, kizomba), l’artiste installé
à Los Angeles a fondé dans les années 90 son impressionnante machine à danser Makina Loca composée de 12 musiciens
enflammés et aguerris. Avec eux, Ricardo
nous offre une célébration de la vie, de l’Afrique et de ses influences, avec ses
sonorités racées à mi-chemin entre traditions et modernité.
Dorsaf Hamdani – Barbara Fairouz (Accords Croisés/Harmonia
Mundi)
La célèbre chanteuse tunisienne Dorsaf Hamdani nous présente son nouveau projet intitulé Barbara – Fairouz. Habituée à élargir
son spectre musical en explorant le répertoire des divas du chant arabe ou la
poésie perse et en collaborant avec des musiciens d’exception issus du Maghreb,
d’Iran ou d’Europe, Dorsaf a choisi ici
de s’arrêter sur les voix emblématiques de deux femmes modernes, engagées, libres
et anticonformistes, la française Barbara
et la libanaise Fairouz. Assistée du
subtil accordéoniste Daniel Mille à
la direction musicale, la musicologue parvient à faire un trait d’union inattendu
et bien vu entre deux destins, deux langues et deux traditions. La Solitude, Ce Matin-là ou Soleil Noir
se dévoilent sobrement aux côtés d’Al
Bint El Chalebeya et Zourouni,
dans une suite d’arrangements touchants et dépouillés où violon, accordéon,
percussions, oud et guitare évoquent un orient délicat et métis.
Chapelier Fou – Deltas (Ici, D’Ailleurs…/Differ-ant/Believe)
Louis Warynski
aka Chapelier Fou m’avait conquis
avec son précédent Invisible et l’univers electronica-acoustique
qu’il avait su bâtir en fusionnant des
éléments sonores piochés dans le répertoire de la musique classique avec des
expérimentations électroniques et des mélodies pop. Dans Deltas et ses 10 titres envoûtants, le
multi-instrumentiste messin nous replonge dans son monde onirique, donnant à ses textures électroniques une présence
plus affirmée et à ses orchestrations une densité nourrie de 5 années de
périples musicaux. Tickilng Time est sans doute le bijou de cet album, un conte
fantastique où un synthé délicat et des violons pincées installent l’auditeur dans
un écrin soyeux, bercé par la voix douce et sensuelle de Gerald Kurdian.
Yuna est une
jeune chanteuse pop originaire de Malaisie,
elle publie sur Verve son nouvel
opus enregistré à Los Angeles baptisé Nocturnal.
Véritablement taillé pour inonder les ondes radio, l’album se compose de 11
titres efficaces et prenants, habités par la voix soul et sensuelle d’une artiste que l’on compare allègrement aux
stars internationales Feist et Adele. Alliant
les sonorités pop, electro, soul et R&B à son premier amour le folk, Yuna élabore
des mélodies enivrantes et scintillantes, n’hésitant pas à y faire sonner des
instruments traditionnels de son pays natal. Le résultat de cette fusion indie-pop/indie-soul
est séduisant et colle parfaitement à l’air du temps…
Le duo electro The
Subs originaire de Belgique et basé à Londres publie son troisième LP
intitulé Hologram. Jeroen De Pessemier aka David Newtron et Wiebe Loccufier aka Dj Tonic
se sont rapprochés pour l’occasion du multi-instrumentiste Hadrien Lavogez pour amorcer un
virage pop aux vibrations soul, laissant derrière eux un passif dance punk
sombre et underground, percutant et assourdissant. Les influences de la house anglaise, du trip-hop, du dubstep et
du hip-hop sont perceptibles tout au
long des 12 titres de l’album dans lesquels on retrouve des invité(e)s exceptionnel(le)s
comme Jay Brown (sœurette de VV
Brown), les excentriques Colonel Abrams et
Danny Greene, la divine Selah Sue ou encore l’immense Jean-Pierre Castaldi. The Subs se montre plus accessible que
jamais, empruntant presque quelques accents mainstream à l’electropop FM, tout en gardant sa touche singulière et expérimentale.
St. Paul
& The Broken Bones – Half The City (Single Lock Records/Differ-ant)
C’est une soul puissante et intemporelle que le sextet ancré
en Alabama, St. Paul & The Broken
Bones,nous présente dans un
premier LP aux sonorités vintage intitulé Half
The City. En 12 titres old school inspirés par les artisans d’un son racé,
issu de la tradition des états du sud des USA dans les 60’s, la formation menée
par le chanteur à la fabuleuse voix gospel/soul Paul Janeway nous invite à revivre les frissons qu’Otis Redding ou
Al Green nous offraient en leur temps… Les mauvaises langues diront que le
groupe se contente de singer les stars de la Motown et de Stax, mais laissons
les parler et régalons nous de ces petits moments nostalgiques d’une époque
glorieuse pour la black music.
Forcément, porter le nom d’une légende vivante doublée d’un
novateur génial du jazz vocal ne doit pas être chose aisée, pourtant Taylor McFerrin, fils aîné du célèbre
interprète du cultissime "Don’t Worry, Be Happy", brille et excelle
dans ce premier LP qu’il nous livre grâce à l’entremise du label Brainfeeder.
Early Riser est
un véritablebijou electro soul gorgé d’influences R&B, jazz et pop. Déjà
repéré aux côtés du claviériste Amp Fiddler et du rappeur anglais Ty, le jeune multi-instrumentiste/Dj/chanteur/producteur
et beatboxer basé à Brooklyn, sortait chez Ninja Tune en 2006 l’EP Broken Vibes et produisait en 2010 le
titre "Love Conversations"du crooner
José James. Flying Lotus le prend alors sous son aile et paraît en 2011 un
second EP Place In My Heart, dont le
titre éponyme, orienté electro pop, est
présent sur l’album avec la sensuelle participation de sa collègue de label, RYAT.
Taylor distille
avec maestria tout ce qui se fait de plus parlant et organique dans les
musiques urbaines et électroniques depuis les années 50 jusqu’à nos jours.
Au détour du très nu soul
"Florasia", digne des productions
langoureuses de Vikter Duplaix, l’artiste nous ballade entre l’ambiance nu-jazz de "Postpartum", l’atmosphère abstract
hip-hop de "Degrees Of Light", la rythmique
broken beat de "The Antidote" (où le flow de Nai
Palm des Hiatus Kaiyote nous ensorcelle), et la sophistication jazz des magnifiques "Already
There" (Robert Glasper au keys et
Thundercat à la basse !), "Invisible/Visible" (dans le lequel apparaissent
les mythiques Bobby McFerrin et César Camargo Mariano,grand pianiste brésilien) et enfin "PLS DNT LSTN" (une déferlante cosmic-jazz-groove
presque psychédélique). La chanteuse Emily
King rejoint elle aussi ce casting parfait dans "Décisions", une complainte dubsteb
qui nous rappellent les rapports intimes que Taylor McFerrin entretient avec la bass music londonienne.
Bref, comme beaucoup l’ont écrit, Early Riser est un disque,
ou plutôt une expérience à mener par sa propre écoute, sans lecture ou interprétation extérieure. C'est une réelle découverte avec la
promesse de moments musicaux intenses et profonds,
BRAVO ET MERCI TAYLOR MCFERRIN !
mercredi 10 septembre 2014
Lost Midas - Off The Course (Digital Single) (Tru Thoughts)
Le label anglais Tru Thoughts nous présente le second single de son protégé Jason Trikakis alias Lost Midas dont nous parlions ici lors de la parution de son subtil Head Games en Juin dernier, premier extrait de son debut album Off The Course.
On retrouve dans le titre éponyme, ce savant mélange de sonorités analogiques et digitales distillées dans une effluve mélodique pop rehaussée de beats abstract hip-hop, les synthés obsédants et lancinants servent quant à eux d'écrin délicat à une voix féminine fantomatique et sensuelle.
Disparus des écrans radar depuis leur dernier Konfusion paru
chez Ninja Tune en 2005, les deux dj/producteurs polonais Marcin Cichy et Igor Pudlo
refont enfin surface pour le bonheur des aficionados de sonorités nu-jazz bien ficelées et des nostalgiques de l’air electro-jazz des 90’s et début 00’s, largement
dominées par les Mr Scruff, Koop et autres Gabin.
Le duo Skalpel publie
chez Plug Audio Record un nouvel EP
de 5 titres intitulé Simple qui annonce
le prochain album Transit prévu d’ici
peu. On y retrouve les ingrédients qui firent leur succès à savoir une fusion délicate et bien dosée de beats électroniques
et de cool jazz polonais des années 60 et 70. Les compositions
sophistiquées de Skalpel expriment
leur passion commune pour le hip-hop, l’IDM, la drum & bass, le jazz et le
trip-hop… Le groove étant l’élément clé de leur musique, Marcin et Igor ont dû la
faire évoluer en gardant cet univers qui leur est propre, et dompter ainsi les toutes
dernières technologies pour parvenir enfin à se réinventer, à concevoir une musique hybride entre programmations d’instruments
virtuels et art du sampling.
Bel effort qui nous fait attendre avec impatience un album déjà
bouclé depuis plus d’un an et qui, selon les artistes, sera bien plus abouti
que Simple.
Le tout jeune beatmaker
californien nommé Napolian nous
offre via le label new-yorkais Software
Recording Co. une collection de 15 titres instrumentaux où les beats électro,
les samples et les synthés évoquent une
sensibilité aux sonorités hip-hop West Coast sans pour autant ressembler
aux productions conventionnelles du milieu utilisant trop souvent les sempiternels
breaks old-school, jazzy ou funky… En effet, Ian Evans aka Napolian aka Gunsandsynths développe avec Incursio des ambiances musicales singulières
autant sombres, brutales et syncopées que mélodieuses, délicates et enjouées. L’ensemble
est d’ailleurs à prendre comme un laboratoire d’expérimentations sonores et
rythmiques plutôt que comme un projet cohérent. Le hip-hop fricote avec une electronica tantôt chill sur des pistes
comme Peace & Safety ou L O B B Y, tantôt agressive aux relents
industriels avec Principalities ou THERM.G.
Ambiances cosmiques
etglitch, le LP de Mono / Poly alias Charles Dickerson intitulé Golden
Skies regorge de ses sonorités galactiques extirpées d’un univers
électronique abyssal. Repéré par Flying Lotus sur MySpace, le producteur nous
offre 13 titres abstract hip-hop où
samples, synthés, vocaux et beats nous projettent dans un monde musical singulier
et bruitiste, parfois chill-out mais foncièrement avant-gardiste. Malgré les machines et
les programmes, Golden Skies arbore
ici et là quelques textures acoustiques bienveillantes et bienvenues comme la
harpe délicate et scintillante de Rebekah
Raff sur Transit To The Golden
Planet. Empyrean, habité par la
voix fantomatiquede la chanteuse Mendee Ichikawa rappelle quant à lui
les atmosphères aériennes du trip-hop
de Bristol et Gamma, ovni de cet
album semble être un clin d’œil à l’immense It’s Album Time de Todd Terje. Un
artiste à suivre !
Le très énigmatique Moiré,
producteur d’une musique électronique qu’il décrit lui même de « London
Techno », publie simultanément chez les deux places fortes anglaises
de l’IDM Ninja Tune et Werk Discs son premier long format
intitulé Shelter. Y figurent 9
titres bien pensés, vibrants, étourdissants et puissamment dotés de basslines entraînantes.
L’ambiance est sombre mais pas plombante, au contraire les bass drum calés sur
une rythmique deep-house efficace nous
accompagnent lentement mais surement vers des nappes de synthé hypnotiques et sensuelles
habitées de voix samplées lointaines et répétitives…On pense alors aux
productions de l’excellent Noir et notamment à son titre phare Around. Résolument
taillé pour les dancefloors exigeants et férus d’une « claustrophobic dance music »
(dixit Juno Plus), Shelter s’immisce
insidieusement dans les esprits alternant les passages clairement house (Dali House, No Gravity ou Hands
On) et les moments plus minimal (Attitude,
Stars ou Mr Figure). Moiré signe un
disque dense et intéressant.
Le label de Flying Lotus Brainfeeder nous présente le nouvel opus du beatmaker américain Matthew
McQuenn alias Matthewdavid, intitulé
In My World. Ce recueil de 10 titres
orientés abstract hip-hop et electronica, est agrémenté d’éléments pop, soul et dub, la voix du
producteur y demeurant comme la clé de voûte de l’album. Matthew, chanteur/rappeur récemment marié et tout jeune papa, nous
livre un disque intimiste, aux ambiances envoutantes et complexes où les
textures sonores sont faites d’assemblages bruitistes et de lignes de basses
frémissantes, le tout nappé d’échos et de reverbes. L’ensemble donne
l’impression d’écouter une vieille cassette tournant au ralenti… !
Ce premier single, au titre éponyme, vous rappellera sans doute la soul mielleuse des Delfonics...
Retour aux sources d’un
hip-hop racé à l’anglaise où les rimes de la rappeuse et poétesse Kate Tempest font écho à la fois au son old
school du Wu Tang Clan et au flow typiquement londoniende Mike Skinner alias The Streets qu’à la littérature de Samuel
Beckett et de William Blake. À seulement 27 ans, elle qui fréquentait assidûment
les battles de Deal Real (disquaire et magasin spécialisé dans le hip-hop) pendant
son adolescence, est révélée prodige de la plume lorsqu’elle remporte le prix
de poésie Ted Hughes en présentant sa pièce Brand New Ancients. Dans ce premier opus intitulé Everybody Down, la jeune Kate allie ainsi une forme d’expression
populaire, le sopken word, à une
écriture fine et intellectuelle et nous conte l’histoire en 12 chapitres de
trois personnages plongés dans l’univers bling-bling du rap, où drogue, argent
et violence dissimulent mal-être, ennuis et peurs. La production est quant à
elle orchestrée d’une main de maître par Dan
Carey alias Mr Dan, qui s’est
illustré aux côtés de CSS, Bat For Lashes, M.I.A., Lily Allen ou encore Hot
Chip.
Einleit –
Fire Walk With Me EP (Wheel Noise Production)
Einleit est un brillant
trio electro pop« mi-japonnais, mi-frenchy » basé
à Paris. « Nommé en islandais »
il est composé de Jun Suzuki au
chant/claviers/guitare, Charlie
Guillemin à la basse et Gabriel Le
Masne à la batterie. Après un premier EP remarqué And I a twister love what I abhor, les 3 musiciens publient Fire Walk With Me,y distillant une pop sombre
et raffinée aux ambiances hypnotiques et sensuelles, située à la croisée de
sonorités héritées de Radiohead, de Metronomy et des Pink Floyd. Les 5 titres
écrits en anglais sont portés par la voix aérienne et glaçante de Jun, mêlant à l’ivresse électronique
des instrumentations obsédantes une mélancolie et une noirceur saisissante.
À noter l’excellent clip de Trembling Tokyo tourné dans la métropole nippone et réalisé par le
duo Woow Your Life, où l’on assiste
à la déambulation malsaine d’un jeune homme prédateur et voyeur suivant de
potentielles victimes…