The
Garifuna Collective – Ayo (Stonetree Records/Cumbancha)
Le label indépendant Cumbancha publiait en 2008 l’album
d’Umalali intitulé « The Garifuna Women’s Project », mettant ainsi en
lumière les traditions musicales issues des côtes de Belize, du Honduras, du
Nicaragua et du Guatemala. Des noms comme Ivan Duvan et bien sûr Andy Palacio
(RIP) sont les fers de lance de cette culture afro-amérindienne et en s’inscrivant
dans leur sillage, l’ensemble The Garifuna Collective poursuit la modernisation
et la promotion de ces sonorités chaudes héritées des esclaves africains et des
indiens Arawaks et Caribs. Leur nouvel opus « Ayo » participe à la
conservation de la langue et de l’identité d’une culture fragile. On y écoute
12 titres gorgés d’espoir et de joie, arborant les rythmes traditionnels de la
Paranda, de la Punta et de la Jungujugu… Magique !
The Toxic
Avenger – Romance And Cigarettes (Roy Music/Universal)
Après une sortie fracassante en 2011, le français expatrié
aux U.S. Simon Delacroix nous présente son deuxième essai au long format, « Romance
and Cigarettes ». Beaucoup moins décapant et club que son précédent
disque, l’électro/rock survitaminée de « Angst » cède ici sa place à un
trip italo-discorétrokitsch. Plongé dans un bain popifiant aux sonorités 80’s gluantes, The Toxic Avenger semble être tombé dans
la même marmite que Kavinsky. Assumant pleinement ses choix et ses clins d’œil
à la musique pop FM de son enfance, le
Dj/producteur élabore un mix plutôt réussi entre une New Wave aux mélodies collantes et obsédantes et une électronarcoleptique, gavée de synthés disco à rendre jaloux un certain Mr Tellier. On s’éloigne du
dancefloor pour se rapprocher d’un Simon plus intime.
VV Brown –
Samson And Delilah (Yoy Records/The Orchad/Modulor)
Revisitant le mythe biblique de Samson et Dalila, la
chanteuse aux multiples casquettes V.V. Brown fait son retour dans l’arène
musicale avec la sortie d'un nouveau disque aux sonorités électro/pop, à classer dans la rubrique avant-gardiste du rayon R&B. La belle anglaise publie sur
son propre label Yoy Records « Samson And Delilah », un album déroutant,
crépusculaire, froid et conceptuel, le premier qu’elle assume pleinement! Les
spectres de Grace Jones, Bjork et Kate Bush planent au dessus des 11 titres composés en collaboration
avec Dave Okumu (producteur de Jessie Ware). V.V. Brown réinvente son univers
artistique, le rendant plus baroque, sombre et sophistiqué. Elle se libère du
poids de l’industrie musicale et de ses canons pour fournir un objet personnel et
anti-commercial. Audacieux et prometteur !
Nishtiman – Kurdistan Iran-Iraq-Turquie
(Accords Croisés/Harmonia Mundi)
La musique d’un peuple, réparti entre quatre pays et quatre
histoires, est enfin gravée dans un seul et même écrin. Le projet intitulé « Kurdistan »
est interprété par un ensemble de sept artistes mené par le percussionniste iranien
Hussein Zahawy. En 10 titres que le chanteur et musicien Sohrab Pournazeri a composés
pour l’occasion, Nishtiman nous apprend que la musique kurde est plurielle,
festive, populaire et raffinée. Restés confidentiels jusqu’à présent, ces rythmes
et ces mélodies millénaires réapparaissent timidement, avec ici une touche
occidentale apportée par la contrebasse jazz et les percussions sénégalaises de
deux européens. L’écriture du compositeur est nourrie par les différentes
traditions kurdes implantées en Iraq, en Iran, en Syrie et en Turquie. L’initiative
est rare et audacieuse, la musicalité y est intense et lyrique !
Le projet « Rivière Noire » répond à l’appel d’une
Afrique désirée, rêvée et sublimée. Réunissant le chanteur/songwriter brésilien
Orlando de Morais Filho, le guitariste/chanteur/songwriter d’origine
guadeloupéenne Pascal Danae et le réalisateur et ingénieur du son Jean Lamoot,
ce premier disque métisse les sonorités de la MPB, du reggae, de la folk, du blues malien et de la culture mandingue, avec évidence et
profondeur… Les chants en portugais et en bambara, la kora, les percussions
traditionnelles, les guitares électriques et acoustiques, les rythmes séculaires
enivrants et la modernité d’une écriture éclairée, créent une alchimie illustrant
à merveille ce terme parfois galvaudé de World
Music.
Célia Cruz –
This Is… Célia Cruz, The Absolute Collection (Legacy/Sony Music)
Célia Cruz, c’est LA voix qui incarne le plus la musique cubaine et la salsa. Partie de rien, son chant va
d’abord séduire la Havanne, puis l’Amérique latine dans les années 50 et les
USA dans les 60’s (fuyant ainsi le régime de Fidel Castro). L’Europe la
découvre au milieu des années 70, alors qu’elle devient une des stars du
célèbre label Fania Records. Dans cette
« Absolute Collection », sont compilés 12 titres de la diva Café Con Leche, dont les succès « Qimbara »,
« Usted Abuso » et « Yo Viviré ». Piochés entre 1955 et 2001, on
peut y écouter La Reina de la Salsa s’illustrer
au côté des légendes Tito Puente, Ray Barretto ou encore Willie Colon. Cet hommage
est une célébration saluant la longue carrière d’une artiste que seule la maladie
fit taire en 2003 à presque 90 ans !
Black Bazar
– Round 2 (Lusafrica/Sony Music Entertainment)
Tout est parti d’un roman paru en 2007, qui traite des problèmes
de la communauté africaine à Paris, Black Bazar est depuis devenu un concept
musical. L’écrivain Alain Mabanckou, entouré des maîtres de l’ambiance
africaine, a voulu revenir aux sources de la rumba congolaise. En 2012, le combo Black Bazar publie « Premier
Round » et le succès est tel que son petit frère « Round 2 »,
plus diversifié et ouvert sur d’autres rythmes (soukous, sonorités afro-caribéennes…),
lui emboîte le pas un an plus tard. Sur les compositions du guitariste Popolipo
Beniko et du bassiste Michel Lumuna, une flopée d’artistes congolais,
nigérians, cap-verdiens et haïtiens s’évertuent à nous transmettre la fièvre et
la folie d’une Afrique plurielle en ébullition.
Grand
Pianoramax – « Till There’s Nothing Left » (Obliqsound/Harmonia
Mundi)
Le pianiste Suisse Léo Tardin nous présente le quatrième
volet de son projet jazz/fusion
intitulé Grand Pianoramax. Remarqué au côté de Roy Ayers, des Nubians, de Toots
Thielemans ou de son compatriote Eric Truffaz, le musicien au groove saisissant
et aux idées novatrices publie « Till There’s Nothing Left ». Il est
accompagné du batteur zurichois Dominik Burkhalter et du poète/slammeur
new-yorkais Black Cracker. Le trio nous propose d’entrevoir, à travers son
objectif grand angle, un paysage musical expérimental ponctué d’éléments jazz, trip-hop, dub, rock et hip-hop. Entre jubilations
psychédéliques, accents électroniques et sonorités acoustiques, rythmiques
tranchantes et poésie ténébreuse, Grand Pianoramax nous plonge dans son univers
contrasté en clair/obscur.
Dino D'Santiago, jeune artiste d'origine cap-verdienne, a fréquenté
toute son enfance la chorale paroissiale que ses parents animaient dans le sud
du Portugal. Après s'être investi dans différents projets Hip-Hop, Soul et R&B
(Jaguar Band, Dino SoulMotion, DaWeasel), le chanteur publie "Eva",
un disque touchant et encré plus que jamais dans ses racines africaines. C'est lors
d'un voyage initiatique sur l'île de Santiago au Cap Vert que Dino, accompagné
de son père, s'éprend des traditions musicales insulaires comme la morna, largement répandue par Cesaria
Evoria (R.I.P.), la coladeira et le funana lento ou encore le batuque. Agrémentant son répertoire crioulo
de sonorités empruntées au fado, la
voix de ce nouvel ambassadeur de la lusophonie est à découvrir d'urgence!
Que dire de cet ancien sportif de haut niveau converti au
jazz ? Que dire encore de cette bête de scène élevée au gospel et formée à Broadway ? Le chanteur Gregory Porter est la
révélation jazz/soul de ces
dernières années, depuis la parution en 2010 de son premier effort intitulé
"Water". Véritable phénomène vocal et scénique influencé, entre
autres, par Nat King Cole, Marvin Gaye et Bill Withers, l'enfant de Bakersfield (Californie) publie
aujourd'hui "Liquid Spirit" ,un recueil autobiographique de 16
compositions puissantes et touchantes. Ce troisième opus marque son entrée dans
le prestigieux label Blue Note, mettant au service du groove, sa voix chaude et sa plume engagée. Avec une élégance sans
pareil et un brin de classicisme rassurant, le compositeur nous rappelle les
liens sacrés unissant le gospel, le blues, le R&B, la soul et le jazz.
Magique!
Deluxe - The
Deluxe Family Show (Chinese Man Records)
Il s'agissait d'un projet plutôt sympa, mêlant swing, soul, funk,
hip-hop et électro dans une ambiance pleine de peps et bonne humeur... Nous
sommes maintenant confrontés à un véritable phénomène!L'ex-quintet urbain devenu sextet avec la
chanteuse LiliBoy a quitté les rues d'Aix-en-Provence pour signer chez la
référence hexagonale du hip-hop pointu et décalé, Chinese Man Records.
Apparaissant dans la BO de Fast and Furious 6, les petits français s'offrent
même des guests d'exception, comme le rappeur sud-africain Tumi. Leur premier
EP avait créé un buzz fin 2011, leur premier album "The Deluxe Family
Show" les consacre... Enorme!
Mariana
Caetano - Mé Ô mond (Sin Zeo Music/Madame Bobage/Coop Breizh)
Une voix sombre, grave et colorée d'un délicieux accent
portugais, des rythmiques pop inspirées du folklore brésilien nordestin... La
belle Mariana Caetano, originaire de Rio mais installée en France, publie son
second opus intitulé "Mé Ô mond". Comédienne et chanteuse, elle mêle
les univers de la MPB, du tropicalisme et du maracatu à celui de la chanson
française. Le résultat est forcément métis, une soft-pop hybride avec quelques
incursions rock. Le disque est un recueil de ballades féminines traitant de
plaisir, d'amour, de l'intime et de société. Un brin mélancolique !
Le percussionniste et chanteur argentin nous revient avec un
hommage musical festif à sa ville natale. Renouant avec les rythmes traditionnels
de la cumbia, du candombe et de la tunga tunga,
"Asado" nous rend compte du métissage qu'a connu Cordoba depuis les
années 60. Minimo Garay l'a enregistré avec ses musiciens de "Los Tambores
Del Sur" entre Buenos Aires et Paris. La tunga tunga ou cuarteto,qui se joue avec un piano, des cuivres et un accordéon, est un
style très populaire hérité de la tarantelle
italienne et du paso doble espagnol.
L'artiste se le réapproprie en y mêlant son grain de folie et de modernité. Il
s'est entouré pour l'occasion d'une pléiade d'artistes de tous horizons, parmi
lesquels on retrouve la chanteuse égyptienne Natasha Atlas ou le flutiste
parisien Magic Malik...
YOKOHAMA ZEN ROCK – « Yokohama Zen Rock » (Jarring
Effects/discograph)
L’histoire commence à deux, la danseusebutō,
chorégraphe,
compositrice, chanteuse et musicienne Yoko Higashi (née en 1974 à Yokohama,
Japon) et Takeshi Yoshimura, guitariste expatrié en France et inventeur de la
porn pop japonaise (mélange d’électro pop, new wave disco pop et textes grivois).
Taillé pour la scène et formé juste à l’occasion d’un festival en 2003 du côté
de Lyon, le projet devient rapidement sérieux et le duo trouve alors en Spagg (bassiste
et beat maker, membre du Peuple de l’Herbe), puissance, expérience et sagesse. Le
résultat de cette union tient en quatre mots : Japanese electro punk rock.
Yokohama Zen Rock illustre son métissage à chaud, en live, avec des textes
chantés et performés dans la langue du pays du soleil levant. Fort de
l’influence expérimentale de Yoko, pop rock de Takeshi et métal électro du
français Spagg, le YZR alterne titres énergiques et déjantés « Kill
Me » et « Kome - Eloge de la Fuite » avec des plages plus zen
« Miminari » ou encore « Rosoku », alliant le son saturé et
planant de la guitare aux rythmiques électroniques cousues main de l’ancien de
la bande. Mélodies simples et efficaces, lignes de basses massives et basiques,
chant torturé, sombre et doux à la fois…Entre brutalité punk et classicisme
pop, ce premier opus intitulé Yokohama Zen Rock est un cocktail étonnant à
servir bien frappé !
Il y a ceux qui réchauffent, évitant ainsi l'écueil
d'une quelconque prise de risque, ceux qui opèrent une rupture, allant même
jusqu'à la négation...Puis il y a Zuco 103, en marge de toutes ces
considérations souvent commerciales ou marketing, dont la seule perspective est
de partager sans imposer, de planter le décor musical d'un après-carnaval,
lorsque les corps se délassent et que les esprits s'apaisent.
Ce trio créatif, novateur et joyeux ne cherche ni à
décliner une vieille recette, ni à changer la donne. Proposant un cocktail
métissé flirtant avec le jazz, le funk, l'électro et la musique brésilienne, la
chanteuse do Brasil Lilian Vieira, le batteur-sampleur néerlandais Stephen
Kruger et le pianiste allemand Stephen Schmid bâtissent depuis 1989
(date de leur rencontre au Conservatoire de Rotterdam) un édifice sonore
alliant l'Ancien et le Nouveau Continent.
La magie opérant depuis 1999 et la sortie de leur
premier opus éponyme, le succès ne tarde pas avec Otro Lado en 2000, son
single du même nom inonde les ondes radios et figure dans les compilations
lounge de l'époque.
Après trois autres albums dont une expérience jazz
acoustique avec One Down, One Up, After The Carnaval est un paisible
moment d'échange.
Berimbau, cavaquinho, guitare, banjo, beats
électroniques et percussions brésiliennes sont autant d'explorations sonores
qui apportent maturité et épaisseur à la texture de ce remède musical agissant
contre la morosité.
Nous retrouvons après trois ans d'absences la voix
touchante de Lilian Vieira, de retour sur sa terre natale avec ses complices,
pour l'enregistrement d'une grande partie de ce dernier album.
Taillé pour la scène, After The Carnaval annonce
des moments live inoubliables.
Dj/producteur émérite de la nouvelle scène Electro/Soul
anglaise, Smoove s’est imposé avec le chanteur John Turrell, comme l’une des
meilleures formations R&B, Raw Funk de ses dernières années. Suite à deux
opus sortis en 2009 et 2011, la moitié de Smoove & Turrell publie une
compilation de remixes intitulée « First Class », démontrant
l’étendue de ses influences musicales et sa dextérité derrière les platines et autres
consoles MPC. Mixant sonorités disco, jazzy, hip-hop, latino et house, le
beatmaker nous propose quelques unes de ses pépites telles que l’excellent
« The Way It Goes » avec la présence de Sandra N’Kaké, la reprise de « Call
Up To Heaven » de Kraak & Smaak ou encore celle de l’immense
« Can’t Get You Out Of My Head » de The Third Degree. Efficace et
gorgé de grooves !
Bernard Lenoir – L’Inrockuptible (EMI Music France)
Bernard Lenoir c’est cette voix chaude qui anima pendant des
années les soirées d’auditeurs de France Inter accrocs à la New Wave et au Rock
Indépendant. Ses émissions « Feedback » puis « la musique pas
comme les autres » ont converti toute une génération d’ « enfants
du Rock » qui, grâce aux « Black Sessions », profitèrent des
premières apparitions françaises de Depeche Mode, REM ou Joy Division. Dans
cette compilation en format 2CD, l’Inrockutible Lenoir nous fait partager une
nouvelle fois ses coups de cœur, avec toujours autant d’exigence et de passion
pour « les choses mélancoliques », « les musiques qui véhiculent
le doute, le questionnement et l’inquiétude » des années 80 et 90. Y sont
présents Dominique A, The Cure, Bashung, les Pixies, PJ Harvey ou encore Prefab
Sprout…
Avec leur nom à coucher dehors et leur visuel en forme de
blason aux couleurs héraldiques, le trio Aufgang nous plonge dès la première
écoute de son Istiklaliya dans un univers épique improbable fait d’electropop
survoltée, de folklore balkanique électrisant, de jazz/rock psychédélique et
d’ambiances technoïdes où le piano règne en maître… Les pistes sont brouillées,
les synthés décomplexés flirtent avec la musique classique et le piano à queue s’enivre
au rythme des 128 bpm de rigueur en club… Composé des pianistes Francesco
Tristano et Rami Khalifé, ainsi que du batteur Aymeric Westrich, Aufgang
l’Insolite est un véritable ovni, bourré d’énergie dévastatrice et prêt à en
découdre avec le dancefloor. Un coup de cœur !
Ce quartet instrumental basé à Antibes est composé de deux
guitaristes, Vincent Heurtebize et Antoni Varesano, du bassiste Denis Lebrun et
du batteur Félix Joveniaux. Situant leurs influences du côté du shoegaze et du post-rock,
leur démarche musicale touche du doigt la sphère jazz et emprunte à la musique
minimaliste la construction des morceaux basés sur la répétition et la
superposition entêtante de boucles. On pense à certaines références telles
qu’E.S.T. ou Radiohead. Les mélodies sont séduisantes et l’amplitude du titre
CSA donnerait presque le tournis. A la lisière des étiquettes, June Emergency
« façonne une ambiance bancale et introspective ». A écouter sur juneemergency.bandcamp.com.
Découvert sur les ondes radio grâce au tube « Dusty
Men » enregistré en duo avec Charlie Winston, Saule est un auteur/compositeur
belge installé en France depuis peu. Son troisième opus intitulé Géant est à la
hauteur du personnage mesurant près de 2m. En effet, si l’artiste restait
confiné dans le carcan de « la nouvelle chanson française » intimiste
et intelligente, il parvient grâce à sa complicité avec l’artiste anglais, à se
décomplexer en osant de nouvelles sonorités, rapprochant sa culture rock
anglo-saxonne écartée jusque là vers l’univers pop bariolée et survolté de notre
Hobo préféré. L’humour, la lucidité et la tendresse des textes de l’un, mariés
à la force et à l’efficacité des arrangements de l’autre, font de ce couple parfait
LA sensation mainstream de ce début d’année.
Son pays natal étant plongé dans une période de conflits, la
musicienne malienne Rokia Traoré réaffirme, guitare électrique en bandoulière, son
amour et sa passion pour un continent « où tout reste toujours à découvrir
et à faire ». Beautiful Africa est un manifeste engagé et brulant adressé
au monde. Mêlant une section musicale traditionnelle à des instrumentistes
européens, la chanteuse crée un univers épuré, respectueux de ses racines mais
ouvert à la modernité et à l’exploration. Ses collaborations passées avec des
artistes atypiques et visionnaires comme Damon Albarn ou Robert Wyatt le prouvent
bien. Elle décide ici de s’entourer du producteur anglais Josh Parish (Tracy
Chapman, PJ Harvey…) et opte pour une écriture plus affranchie, un timbre de
voix plus précis et tranchant.
Vigon Bamy
Jay – Les Soul Men (323 Records/Universal Music)
Une légende oubliée de la Soul réapparait ! Vigon, figure
emblématique du Rhythm’n’Blues des années 60, relance sa carrière grâce à
l’émission The Voice. Le chanteur marocain qui œuvra jadis dans le sillage de James
Brown, Stevie Wonder et Otis Redding forme avec son vieux compagnon antillais Erick
Bamy, ex-doublure vocale de Johnny Halliday, et le jeune chanteur Jay Kani des
Poetic Lovers, le trio « Les Soul Men ». Ils interprètent des
reprises de leurs idoles Aretha, Ray Charles, Ike et Tina, Sam & Dave ou
encore Bill Withers dans l’esprit des productions racées de Stax et Motown,
avec un son chaud et cuivré, gorgé de groove et de swing. Les voix sont
maitrisées et entre tornade rocailleuse, velours éraflé et douceur romantique,
on redécouvre la grâce d’une Soul vintage en plein revival.
Glissez le disque dans votre platine et appuyez sur
« play »…Fermez les yeux, ne pensez plus à rien et laissez vous
bercer par le chant cristallin d’une sirène. Elle senomme Vanessa
Da Mata, originaire du Mato Grosso au Brésil, son enfance a baigné dans un
bouillon musical alliant les saveurs d’un Luiz Gonzaga et d’un Tom Jobim, d’un
Milton Nascimiento et d’un Orlando Silva. Son oncle aventurier l’a initié aux
sonorités plus régionales (comme le Carimbò) issues de disques rapportés de ses
voyages en Amazonie, tandis que la bande AM de son poste radio lui faisait
découvrir les musiques étrangères. Née en 1976 et de formation autodidacte, la
carrière artistique de Vanessa Da Mata débute à Sao Paulo dans un groupe de
reggae féminin, puis en 1997 elle compose, avec un certain Chico César, le
titre prémonitoire « A Força Que Nunca Seca » qui sera enregistré par
l’immense Maria Bethania. Le Brésil découvre alors une grande compositrice et
le succès de ses deux premiers albums projettera sa voix et sa beauté
rayonnante sur les devants de la scène.
« Sim »
(oui en français) est donc son troisième opus, enregistré entre la Jamaïque et le Brésil, Discograph a lancé sa sortie française
le 16 Juin dernier (merci, merci, merci…). « Sim » est défini come
« une réponse positive à la vie, une réponse de lutte », un hommage
vibrant à l’existence vécue au quotidien ; on y compte la participation de
Ben Harper sur le titre grandiose
« Boa Sort/Good Luck » qui
a été écouté plus de 5 millions de fois sur Youtube, de Joao Donato, Wilson Das Neves et de la nouvelle
génération de musiciens brésiliens. La diversité des sonorités présentes dans
l’album est un reflet parfait de la créativité musicale de la MPB (Musica Popular
Brasileira) : rythmes pop, samba, reggae et rythmes régionaux issus des
traditions musicales brésiliennes…
Ce n’est pas un disque à chroniquer mais à vivre ! Une
véritable émotion dès la première écoute, une pépite…
Urbanus – Stefon Harris & Blackout (Concord
Jazz/Universal Music Jazz France)
Imprégné des héritages de Lionel Hampton et Roy Ayers, le
jeune vibraphoniste Stefon Harris publie chez Concord Jazz un septième album,
essentiel,intitulé Urbanus. Entouré
pour la seconde fois du groupe Blackout et de ses sonorités urbaines, l'artiste
signe là un opus grandiose, élégant et efficace. Accessible par son groove et
le sens mélodique indéniable de ses compositeurs, ce vrai projet d'équipe
rappelle les aventures de Philadelphia Experiment (avec ?uestlove) ou encore le
Hard Groove (de Roy Hargrove) où les influences R&B, Soul, Hip-Hop, Funk,
Pop et Jazz fusionnent pour célébrer une musique de partage, moderne, riche,
novatrice et pleine d'émotions. La prestation exceptionnelle du saxophoniste
alto Casay Benjamin, ici au Vocodeur, accompagne l'auditeur dans ces moments
rares d'extase où tout s'accorde, les merveilleuses ballades Christina ou For
You convaincront les amateurs...Une nappe enivrante dressée par les pianos de
Marc Cary, une rythmique solide et légère à la fois emmenée par le bassiste Ben
Williams et le batteur Terreon Gully puis le jeu virtuose et classieux de
Stefon Harris font d'Urbanus un disque indispensable, le genre d'objet dont on
ne se lasse pas d'écouter tant la générosité du frontman offre l'opportunité à
Blackout d'exposer son savoir-faire...Un pur bonheur.
Il n’est plus besoin de présenter ce combo légendaire
viennois, car depuis 1997 et la sortie de leur premier opus Opera, il n’est pas
une compilation chill, ambient ou downtempo qui ne cite une de leurs perles
nacrées polies au gré de vagues sonores fluides ondulant au ralenti. Richard
Dorfmeister, ex-moitié du duo DJ-producteur K&D aux côtés de Peter Kruder, crée
Tosca avec son ami d’enfance le musicien/plasticien Rupert Huber, le projet
étant un retour aux sources du groove. En effet, soul, funk et blues sont
revisités en réponse au courant techno berlinois en plein essor à la fin des
années 90. Depuis ses débuts un peu éparpillés et balbutiants, Tosca, en partie
grâce à la marijuana et plus sérieusement à son talent de designer paysagiste, a
su planter au fil de ses productions un décor cosmique mixant matériel
numérique autant qu’analogique où sont conviés dub, funk, blues et krautrock.
Si les voix étaient très présentes précédemment, No Hassle en est
quasi-dépourvu, son aspect contemplatif et introspectif résulte d’un subtil
équilibre entre éléments acoustiques et électroniques, cordes et samples,
groove enivrant et mélodies planantes enregistrés lors de jam sessions en
studio. Le tout est présenté dans un écrin simple sans fioriture, « Less
Is More » comme scandait l’architecte minimaliste Mies van der Rohe, et
d’ailleurs, en parlant d’architecture, le live offre toute la profondeur
méditative de Tosca qui se détourne des lieux consacrés à la scène pour
s’orienter vers les lieux sacrés comme la cathédrale Linzer Dom à Linz.
Incontournable !
Ce danois de 38 ans nous donne une belle leçon de blues en
10 titres ravageurs et roots. Les arrangements puissants et les solos courts
mais dévastateurs de son band sont à l'image de ce leader emblématique qui
demeure, malgré son talent, inconnu du grand public. Ancien prof., il consacre
sa vie à la musique aux cinq notes et forme en 2003 son groupe qui demeure
quasi inchangé depuis son origine. Sur scène, l’épreuve du feu, Risager ne veut
pas ennuyer son auditoire, il développe alors un style particulier qui mélange
diverses influences comme le rock, la soul, le gospel, le R&B et le funk,
le résultat est détonnant et forcément efficace. Son dernier opus intitulé
Track Record est un condensé d’énergie semblant sortir tout droit d’un bar du
sud des Etats-Unis… À noter la superbe reprise du tube de Big Joe Williams
« Baby Please Don’t Go » ! Un must-have
Sergio Mendes - Bom Tempo (Universal Music Classics & Jazz
France)
Le monstre sacré Sergio Mendes publie aujourd'hui son 37ième
album. Maître du tropicalisme et prince de la
Bossa Nova, il est âgé de 69 ans et
continue de balader sa bonne humeur et ses bons tempos gorgés du soleil de Copa
Cabana à travers le monde. Faisant suite aux énormes succès Timeless et Encanto
(en partie grâce à la présence du producteur et MC américain Will I Am des
Black Eyed Peas), la légende brésilienne nous revient avec un nouvel opus
intitulé Bom Tempo. Toujours abondamment colorée et joyeuse, la musique de
Sergio célèbre l'été, les bikinis et la danse. Celui qui a écrit plusieurs
pages de la musique latino-américaine depuis les années 60 avec son groupe
Brasil'66, arrangeur, pianiste et compositeur émérite, revisite éternellement les
classiques de Tom Jobim, Gilberto Gil, Milton Nascimento ou encore Jorge Benjor
avec ici des invités de choix comme les chanteurs Carlinhos Brown et Seu Jorge
ou la chanteuse Gracinha Leporace. Bom Tempo est bien parti pour être la B.O. de l'été qui s'annonce
déjà quentíssimo... À écouter sur
youtube le titre Emorio remixé par le célèbre Dj Paul Oakenfold et taillé pour
le dancefloor...
José James
& Jef Neve - For All We Know (Impulse Records/Universal Music Classics
& Jazz France)
L'un est un virtuose du piano distingué plusieurs fois en
Belgique dans les répertoires jazz et classique, et l'autre est un crooner
américain vivant à Londres. Hors mis leur jeune âge, c'est le feeling qui a
réuni José James et Jef Neve. Invités sur un plateau télé, leur entente
musicale fut telle qu'ils s'empressèrent de réserver un studio d'enregistrement
et six heures plus tard naissait le projet For All We Know! Ce recueil de
standards pop et jazz a la magie de ces instants suspendus où beauté et
élégance se confondent. Parce qu'il a été réalisé sans contrainte, juste pour
le plaisir, l'enregistrement est magique et déborde de spontanéité (ce qui
manque parfois dans le jazz vocal). "Jouer en duo relève d'une démarche
pure et honnête" déclare José James, cette finesse du ton et du touché, ce
dépouillement qui conduit l'auditeur droit à l'essentiel, Tenderly, Body and
Soul ou encore Embraceable en sont emplis. La tessiture du chanteur baryton se
marie parfaitement au jeu profond et intimiste du pianiste belge. C'est la première
parution chez Impulse Records pour José James, déjà bien connu en Europe et au
Japon (révélé en 2008 grâce au Dj anglais Gilles Peterson). Après ces deux
premiers opus acclamés par la critique et le public, le prestigieux label va enfin
lui faire rencontrer ses compatriotes du Nouveau Continent. Jef Neve, lui non
plus n'en est pas à ses premiers pas, avec à son actif cinq albums, il fait parti
de la crème des musiciens européens. Passant du jazz à la musique classique ou
de la musique de film à la scène pop, il est aussi versatile que son acolyte et
a le potentiel de devenir une figure majeure de la scène jazz. Ce duo spontanée
nous fait partager un moment de grâce. À retenir la somptueuse interprétation
du titre For All We Know immortalisé par le grand Nat King Cole... Avis aux
amateurs de ballades langoureuses !
Percussionniste et batteur d'origine argentine, Minino Garaÿ
débarque à Paris dans les années 90 et se forge rapidement une solide
réputation dans le milieu du jazz et de la variété en apparaissant aux côtés de
Dee Dee Bridgewater, Raul Paz, Julien Loureau ou encore Magic Malik. Apprécié pour
son touché coloré et gorgé de rythmes sud-américains, l'enfant du quartier
d'Ayacucho de Cordoba publie aujourd'hui son troisième opus baptisé sobrement
Gabriel, sans doute le plus jazz de sa carrière. Inspiré par son épouse, Minino
nous y offre une approche nouvelle et très intimiste de sa musique, il revient
sur les piliers fondateurs de son identité musicale à travers les 13 reprises
qu'il a choisi d'interpréter. Accompagné d'invités prestigieux parmi lesquels
on compte le chanteur David Linx et le saxophoniste Sylvain Beuf, le
percussionniste a formé pour l'occasion deux quartets de haut vol qui
l'assistent dans la réalisation de ce qui semble apparaître comme un premier
autoportrait du frappeur argentin. Revisitant ses influences, ses racines et
soulignant ses amitiés, les compositions présentes sur l'album sont empruntées
à Wayne Shorter, Egberto Gismonti, Ariel Ramirez, Jean-Pierre Como ou Bojan Z
avec une superbe interprétation de son "tube" The Joker... Gabriel
(vrai prénom du musicien) est un disque généreux doté d'une grande force
mélodique, ce qui le rend accessible et séduisant... Une belle découverte !
French Horn
Rebellion - The Infinite Music of French Horn Rebellion (Once Upon A
Time/Discograph)
Dans la mouvance des MGMT et Hot Chip, le duo electropop
new-yorkais French Horn Rebellion publie son premier opus intitulé modestement
"The Infinite Music of French Horn Rebellion". Riche et complexe, la
synth-pop des deux frangins de Brooklyn rabiboche habilement des morceaux
d'étoffes éparses et nous propose un patchwork bariolé et fluo, où des éléments
disco, funk, dance et rock viennent raconter l'histoire d'un joueur de cor français
dans un joyeux bordel sonore ! Produits par Kitsuné, Robert et David Perlick-Molinari
osent les mélanges et les rencontres improbables entre instruments traditionnels
et électroniques, le résultat est sacrément jouissif et dense. En progressant
dans cet univers euphorique on se heurte ici à un véritable tube funky
"This Moment" ou au titre pop punchy
"The Body Electric", et là à une plage atmosphérique tissée de
claviers et de cor "Antarctica / The Decision"...Remarqué et salué
par la critique French Horn Rebellion est "The Next Big
Thing...Electro" comme l'annonce le New York Times. A suivre de près !
Aaron
Neville - I Know I've Been Changed (Tell it Records/EMI Gospel)
Est-il nécessaire de présenter l'immense Aaron Neville ?
Originaire de la
Nouvelle-Orléans, sa carrière musicale ponctuée de succès est
plus qu'impressionnante et n'inspire que respect et admiration. Son dernier
opus intitulé I Know I've Been Changed marque son 50ème anniversaire dans
l'industrie du disque et signe aussi un retour aux sources puisque le chanteur
renoue avec le Gospel et le génie de son premier producteur, le légendaire
Allen Toussaint. La voix de velours d'Aaron semble éternelle, inchangée depuis
ses débuts avec les Neville Brothers. Elle incarne la fragilité mais aussi la
persistance d'une culture et d'un lieu symbolique, berceau de toute la musique
noire américaine. Au carrefour des influences negro spititual, rhythm'n'blues,
cajun et créole, Neville s'adresse bien sûr à dieu mais aussi et surtout aux
survivants de Katrina et les assure de son soutien, il chante l'espoir contre
l'exil et la destruction (lui même ayant perdu sa maison lors du passage de
l'ouragan). Enregistré à l'ancienne et en seulement cinq jours, l'album
transpire de sincérité et de passion. Loin d'un hommage funèbre et sombre, le
soul man nous offre une véritable célébration de sa ville natale, de cette
musique qui le berce depuis l'enfance et de sa foi inébranlable. Magnifique !
Réincarnation du monstre à la force surhumaine qui fit
régner la terreur chez les petites frappes de Tromaville aux U.S. dans les
années 80, The Toxic Avenger sort son premier opus intitulé "Angst"
(entre colère et peur), un condensé de rythmes électroniques surpuissants sur
un fond d'énergie rock décapante. Taillées
pour le dancefloor, les 16 bombes retrofuturistes de l'album s'inscrivent dans
la lignée de cette poignée de productions made in France qui comptent dans la
vague electropoprock du moment. Proche des univers sonores de Justice, des Daft
Punk ou encore de Sébastien Tellier, Simon Delacroix s'inspire du disco et en
triturant ses synthés vintage parvient à en arracher quelques mélodies
synthétiques accrocheuses et aguicheuses arborant parfois même quelques relents
mélancoliques. Entre la saturation de ses lignes de basse fracassantes et la
clarté incisive des voix hip-hop qui ponctuent ça et là Angst, le dj parisien
parvient à nous livrer un son hors norme et survitaminé résumant à la
perfection ce qu'est la bonne pop aujourd'hui, dansante mais pas forcément
populaire. The Toxic Avenger réconcilie donc les pires ennemis que sont la POP et l'UNDERGROUND pour un
disque que l'artiste rêverait de voir figurer parmi "la bande son de l’ado
qui vient de se faire plaquer et qui pleure tout seul dans sa chambre"...
Excellent !
The Matthew Herbert Big Band “There’s Me And
There’s You”(!K7)
Pour être sincère, à la première écoute du dernier opus « There’s Me And There’s You »
du Matthew Herbert Big Band, le
constat est plutôt mitigé ; en effet d’entres ses rythmiquesabstraites, expérimentales, bruitistes
et ses samples d’arrangements cuivrés syncopés et criards, seule une voix
féminine tente d’humaniser ce marasme sonore. Cette voix, c’est celle d’Eska Mtungwazi,
nouvelle égérie de l’anglais Matthew Herbert après Dani Siciliano, déjà sacrée
The New Queen of UK Soul, elle « est le cœur battant de ce disque »
au titre curieux de prima bord… En s’attardant sur la revue de presse, en
prêtant l’oreille et surtout le cerveau à ce projet engagé et critique à
l’égard du pouvoir britannique et notamment à propos de sa décision d’envoyer
des troupes en Irak, on réalise l’ampleur conceptuelle qu’à pris la musique du
patron d’Accidental Records depuis « Goodbye Swingtime » en
2001 mené aussi en collaboration avec la crème des musiciens jazz anglais. Avec
un cahier des charges très stricte, dicté par son manifeste dogmatique (le PCCOM) lui interdisant par exemple
l’usage de sons synthétiques imitant des instruments acoustiques, Herbert met
en forme (musicale) sa vision du pouvoir et de ses détenteurs egocentriques, le
titre « Yesness », par
exemple, dévoile un collage composé des voix de 100 personnalités puissantes
disant « OUI » (la reine et Gordon Brown ont décliné l’invitation),
ailleurs c’est le son de 100 cartes de crédits que l’on découpe aux ciseaux qui
retenti faisant ainsi étrangement écho à l’actualité boursière récente ou
encore le bruit de 70 préservatifs que l’on frotte sur le parvis du British
Museum…
Ce disque surprenant par sa richesse et sa complexité,
laisse entrevoir sa musicalité qu’au bout de plusieurs écoutes attentives.
Matthew nous envoie ici un message empli de gravité, sous ses devants
faussement joyeux, riche en mélodie et en rebondissements, le ton employé
demeure pessimiste, il renseigne l’auditeur sur l’absurdité et la dangerosité
d’un système où une poignée d’hommes et de femmes mènent à leur guise et pour
leur compte un état, une politique, un peuple… Cette œuvre produite par un des
génies de la musique électronique est majeure mais elle nécessite la lecture du
mode d’emploi afin d’en comprendre toutes les nuances.
“First Look” est
un petit bijou électro mêlant harmonieusement les influences du disco/funk et
de la pop 80’s à une house soulful très efficace, c’est un cocktail chic et
enivrant. Multi-instrumentiste, The Maneken
aka Dj Major oppose ses créations profondes et diverses à l’idée reçue que
l’on a, à tort, des musiques électroniques de l’Est trop souvent méconnues ou
résumées à un croisement brutal entre chant ancestral et techno. Loin de ces
raccourcis, Major reste naturel et fidèle à ses premières amours, Donald Fagen (un
des membres fondateurs du groupe jazz/rock américain Steely Dan) ou encore
Prefab Sprout (groupe pop/rock anglais des années 80), en adoptant cependant
une démarche artistique profondément engagée vers les nouvelles tendances
musicales et le son underground. Evgeny
Filatov, d’origine ukrainienne, a été bercé par la pop mélodique des
Beatles, le funk old school des 70’s, le groove et même le jazz. Tout au long
des 12 titres de ce premier opus, on navigue avec plaisir entre les eaux claires
d’une house façon Defected Records (All I
Wanna Do), celles plus chaudes du disco sensuel de Cerrone (Spaceclub) ou troubles d’une white funk
électro à la Plantlife (What I Feel For
You). Sa voix de velours et ses sonorités club dancefloor vont à coup sûr
séduire un large public, sa popularité n’est déjà plus à faire dans son pays où
il œuvre régulièrement comme Dj…
Véritable icône du jazz en Suède depuis les années 60, le
pianiste Jan Johansson, né en 1931, se fait remarquer aux côtés de Stan Getz
dès les années 50 puis plus tard dans la série américaine « Jazz At The
Philarmonics » de Norman Granz. Sa modernité et son habileté à introduire
des chants populaires suédois dans le jazz ont forcé l’admiration de ses
contemporains mais son avant-gardisme fut tel qu’aujourd’hui encore son
héritage musical persiste au travers d’artistes prestigieux dont le plus
visionnaire était sans doute Esbjörn Svenson et son fameux projet E.S.T. Les
deux musiciens ont malheureusement en commun, en plus de leur génie
visionnaire, un destin tragique, une disparition prématurée ! Cet opus
intitulé « In Hamburg » compile des relectures de thèmes
traditionnels suédois improvisés, des reprises de standards américains et des
compositions originales, toutes enregistrées entre 1964 et 1968 (année du décès
accidentel du pianiste) pour une célèbre radio du nord de l’Allemagne. Une
bonne manière de découvrir ou redécouvrir un artiste rare et son emprunte
laissée dans le paysage jazzistique scandinave.