mercredi 28 août 2013

Dorsaf Hamdani – Princesses du Chant Arabe (Accords Croisés/Harmonia Mundi)


Dorsaf Hamdani – Princesses du Chant Arabe (Accords Croisés/Harmonia Mundi)

Chanteuse et musicologue tunisienne, Dorsaf Hamdani fait partie de cette nouvelle génération d’artistes qui n’a pas peur d’afficher ses sensibilités, ses opinions et de s’affirmer en tant que femme libre et indépendante. De formation classique, la jeune artiste va s’épanouir sur scène et enrichir sa palette au gré des rencontres et collaborations qu’elle savoure particulièrement. Adepte du Malouf, son art est immergé dans la culture arabo-andalouse et ses traditionnelles Noubas. Ici, elle chante le répertoire des 3 divas incontestables du Moyen-Orient : Oum Kalsoum, Fairouz et Asmahan, qui toutes trois ont su à leur manière tisser des liens entre classicisme et modernité. Dorsaf est parvenue à capter l’unicité de chacune et nous transmet modestement l’héritage des 3 Princesses du Chant Arabe, entourée d’une petite formation traditionnelle : Oud, violon, qanun, ney, tar et darbouka. Une approche sensible et délicate de la grande musique orientale donnant ses lettres de noblesse au titre d’Interprète.

Fool’s Gold – Leave No Trace


Fool’s Gold – Leave No Trace

Pop californienne empreinte d’africanisme, de tropicalisme et d’orientalisme, la musique de Fool’s Gold rassemble sans complexe tout un tas d’influences stylistiques colorées dont le seul et unique but est de donner un véritable son au mot bonheur ! Ce duo israélien installé à Los Angeles est entouré de musiciens issus des 4 coins du monde, il publie son second opus intitulé « Leave No Trace ». A l’instar de ses cousins les immenses Vampire Weekend, leur écoute est une véritable cure de soleil, une aventure en terre africaine, moyen-orientale et caribéenne présentée sous la forme d’un carnet de voyage musical. Luke Top (basse / chant) et Amir Kenan (claviers / percussions), têtes pensantes du collectif Fool’s Gold, se sont énormément servis d’internet pour construire leur vocable musical et après un premier disque remarqué et salué, le challenge était de maintenir leur public en haleine…ils ont donc incorporé quelques accents 80’s et autres passages synthés endiablés en abandonnant en partie l’hébreu au profit de l’anglais, ce qui rend ce « Leave No Trace » plus abordable et accessible. Toujours aussi dansant, la recette fait mouche et l’esprit festif demeure avec en arrière plan quelques petites dissonances et autres petits riens charmeurs qui donnent à ce disque accrocheur un brin de fraîcheur et de spontanéité bienvenue en ces temps de crise.

Ferran Savall – « Mireu El Nostre Mar » (AliaVox/Naïve)


Ferran Savall – « Mireu El Nostre Mar » (AliaVox/Naïve)

Issu d’une famille de célèbres musiciens catalans, Ferran Savall a baigné dans l’exigent répertoire de la musique baroque dès son plus jeune âge. Son père Jordi Savall (musicien devenu l’un des moteurs de cette musique ancienne) et sa mère Montserrat Figueras (chanteuse lyrique soprano) lui transmettent le vice et à 7 ans Ferran s’essaye au piano et au violon, aujourd’hui il se partage entre la guitare, le théorbe (une sorte de luth à double manche du XVI° siècle) et le chant. Sa solide formation musicale lui permet donc d’accompagner ses parents, mais très vite le jeune prodige développe un univers très personnel et passe allègrement du baroque au jazz, au blues ou au funk. Â 30 ans, cet éclectisme devient enfin palpable sur son premier opus intitulé « Mireu El Nostre Mar ». Ce dernier révèle une sensibilité à fleur de lèvres révélée par un chant doux et profond où le jeune chanteur « s’impose la recherche d’une voix naturelle et spontanée ». Inspiré des anciennes mélodies catalanes, Ferran accompagné de son fidèle partenaire, le guitariste Mario Mas, n’hésite pas à s’approprier les musiques d’ailleurs notamment sud-américaines (avec l’enivrant morceau La Perla) proposant ainsi une sorte de tradition réinventée et revisitée grâce à l’« influence multiculturelle qu’il reçoit de notre temps ». Un artiste qui mérite une écoute attentive !

FEMI KUTI & THE POSITIVE FORCE – Theatre Lino Venture le 21 Novembre 2008


FEMI KUTI & THE POSITIVE FORCE – Theatre Lino Venture le 21 Novembre 2008

Nous pouvions nous attendre à un concert exceptionnel le 21 Novembre dernier avec, à l’affiche du théâtre Lino Ventura, Femi Kuti et son Positive Force. Mais le cadeau qu’a offert le fils du « Black President » à un auditoire enivré fut, plus qu’une simple prestation, un véritable show digne d’une soirée au Shrine à Lagos. Accompagné d’une section rythmique impressionnante (batteur, percussionniste, clavier, bassiste et guitariste), d’une section cuivre endiablée (composée de 5 souffleurs solistes en puissance) et de ses 3 danseuses (chantant aussi les chœurs)  le « Prince de l’Afro Beat » en personne a interprété avec une énergie débordante une musique engagée et réaliste dopée au funk. En tournée pour la sortie de son dernier opus « Day By Day », la formation a interprété les principaux titres de l’album sans une seule interruption accompagnant ainsi la chaleur et l’ivresse des spectateurs mutés pour l’occasion en danseurs afro. Avec une générosité et une force rares, Femi a chanté les souffrances de son peuple au Nigéria, il a évoqué la vie à Lagos et fit un clin d’œil au black president of the U.S.A récemment élu. Posant son saxophone pour sa trompette, Femi a chanté, crié, murmuré, parlé, il a aussi joué de l’orgue et a dansé, montrant sans réserve l’étendue de son savoir-faire… Terminant son spectacle sur un « Water No Get Enemy » enflammé, il revint pour le rappel en laissant entrevoir quelques bribes de son prochain disque. Une pure merveille…

FEMI KUTI – DAY BY DAY (LabelMaison/Pias)


FEMI KUTI – DAY BY DAY (LabelMaison/Pias)

Femi Kuti est la voix d’une Afrique unie luttant et dénonçant la corruption, la dictature et la violence d’états policiers réduisant les peuples à une misère inconcevable, à l’instar du Nigéria, sa patrie. Comme son père Fela, il porte haut le flambeau de l’Afrobeat qu’il a métissé, au gré de ses influences, de Jazz, de Juju (musique yoruba moderne née au Nigéria), de High-Life (musique afro-européenne née au Ghana), de Funk, puis agrémenté de sonorités Hip-Hop et électroniques. Son nouvel opus Day By Day, disponible chez LabelMaison et distribué par Pias, est le cinquième album du « Prince de l’Afrobeat », il nous offre 12 titres d’une énergie débordante avec un rythme afro aux pulsions hypnotiques et des textes engagés dans lesquels il témoigne et rend compte de la situation en Afrique. Il interroge aussi le monde et nous demande « comment le continent le plus riche peut-il accueillir  une population si pauvre ? » et déclare dans le morceau Day by Day que « Jour après jour, nuit après nuit, nous travaillons et nous prions pour le règne de la paix». Aux côtés de son groupe Positive Force et de toute une pléiade d’artistes comme Keziah Jones, Camille, Julia Starr (songwriter australienne), Sébastien Martel ou encore son fils Madé, Femi a déposé son saxophone et s’est armé d’une trompette ; Day By Day s’inscrit comme un disque d’ouverture, vers nous, le monde et tout ceux qui veulent entrer en lutte pacifique contre l’oppression et le chaos. L’influence de Fela Kuti, père de l’Afrobeat, est énorme et son rayonnement a largement dépassé les frontières de l’Afrique (exemple « The Souljazz Orchestra » au Canada), son fils poursuit et fait évoluer son œuvre en transmettant sa vision d’un monde meilleur. Un disque indispensable !

Féfé – Jeune à la Retraite (Universal Music France/Polydor)


Féfé – Jeune à la Retraite (Universal Music France/Polydor)

À l'instar de Sly (the Mic Buddah) Johnson, ex-membre des Saïan Supa Crew, Féfé entre enfin dans l'arène en solo. « Jeune à la retraite » est son premier opus qu'il compose à 80% avec une guitare folk que lui offre Patrice lors de l'enregistrement d'Hold Up, dernier album des Saïan. L'instrument le remet sur les rails et le réconcilie avec la musique qu'il avait plus ou moins mis en sourdine depuis la séparation de son Crew. Redécouvrant les sons qu'il écoutait enfant, de la Soul de Sam Cook à l'afro beat de Fela Kuti en passant par le reggae de Bob Marley, Fé² refonde alors les bases de sa discothèque idéale et y installe son atelier, son studio imaginaire. Le Hip-Hop qu'il a chanté et joué pendant plus de 10 ans est toujours présent bien-sûr mais il se teinte tour à tour de Blues, de Folk, de Funk ou de Pop Rock sous les doigts avertis du producteur de Gorillaz, Dan The Automator, et de son musicien Tim Carter. En 11 titres le MC raconte et se raconte, mettant sa pudeur de côté il s'échappe des clichés et se révèle aux yeux du public comme un VRAI chanteur. Féfé voit déjà son premier single « Dans ma Rue » tourner sur toutes les chaînes musicales, un artiste qui renaît de ses cendres...à suivre!


Erik Truffaz – « Rendez-vous » (Blue Note/Emi)


Erik Truffaz – « Rendez-vous » (Blue Note/Emi)

Après le sublime « Arkhangelsk » sorti en 2007 et onzième opus paru sous le label Blue Note,  Erik Truffaz nous revient avec un projet d’envergure « Rendez-vous ». Il s’agit d’un triptyque reliant trois destinations phares dans son parcours artistique, trois lieux qui cristallisent ses grandes rencontres musicales récentes. « Paris », où la trompette électrifiée d’Erik rencontre le groove irrésistible et la tessiture inouïe de la voix de Sly Johnson (ex membre du Saîan Supa Crew) dans 4 compositions « Mr Wyatt » de E.T. ou « Goodbye Tomorow » de S.J. et 2 reprises « Nature Boy » et « Come Together ». Sublimant une rencontre fantasmée entre Miles Davis et Bobby Mc Ferrin, le duo nous offre 30 minutes de chaleur et de sensualité instantanée. Puis vient la perle de l’Inde, « Bénarès », où l’envoutante voix d’Indrani Mukherjee et « les grooves subtiles des tablas d’Apurba Mukherjee » nous accompagnent sous les nappes enivrantes dressées par le pianiste brésilien, roi de l’improvisation, Malcolm Braff. Ce second volet se décline en 3 compositions planantes où la trompette de Truffaz surgie puis disparaît avec justesse et pudeur. Et enfin « Mexico » dont le concept est basé sur « un ping pong musical », réalisé à distance par envoies interposés de sons, entre notre Miles français et le mexicain Murcof, orfèvre de l’avant-garde électronique. Les notes de la trompette sont déposées sur une toile sonore peinte avec génie et virtuosité. Les trois pistes aux sonorités très organiques nous plongent dans un univers intérieur forçant l’introspection et l’écoute de soi pour mieux comprendre l’autre. Ce « Rendez-vous » sonne comme un constat sur la pluralité et l’ouverture de l’œuvre d’Erik Truffaz, un musicien discret, voire secret, aventurier, curieux et surtout généreux. Un coup de cœur.